Photo : Riad Par Kamel Amghar L'Algérie indépendante a, aujourd'hui, 48 ans. Un âge relativement court dans la vie d'une nation qui a douloureusement survécu à une très longue nuit coloniale de 132 ans. Le pays fête en ce moment le beau souvenir de sa laborieuse libération du joug colonial. Les méfaits de l'occupation française sont encore visibles et certaines de ses victimes encore vivantes. A la différence de ses autres colonies africaines, la France a voulu assimiler l'Algérie à sa propre culture, l'intégrer totalement dans son territoire, la soumettre absolument à sa souveraineté. En plus de l'expropriation foncière des «indigènes», une gigantesque œuvre de déculturation a été menée de pair, un siècle durant, dans une vaine tentative d'effacement mémorielle de leurs repères identitaires. De nombreux historiens ont mis le doigt justement sur le caractère singulier et profondément pernicieux de cette occupation. «Le legs de cette histoire est donc lourd puisqu'il y a eu dépossession foncière des indigènes musulmans, dépersonnalisation culturelle, relégation du religieux et effacement des traces étatiques antérieures», souligne Benjamin Stora. Après plus d'un siècle de privation, de misère, de déportation et d'assassinat, le peuple algérien a su trouver en lui les ressources nécessaires pour réparer tous les torts qu'on lui avait causés, même s'il reste à ce jour des blessures mal cicatrisées et des traumatismes encore vivaces. On doit toujours insister sur cela pour souligner l'ampleur du défi qui attendait la jeune République algérienne au lendemain du départ français, le 5 Juillet 1962. De révoltes en émeutes, le mouvement national a réussi au bout d'un long et éprouvant combat à fédérer toutes ses énergies –intellectuelle, morale et matérielle- pour parachever son affranchissement définitif de la tutelle coloniale. La révolution de Novembre (1954/1962) a développé l'argumentaire qui a acculé la France dans le concert des nations, comme elle a su adopter les moyens de lutte qui vont avec. Grâce à cette révolution algérienne, qui compte incontestablement parmi les dix événements marquants du siècle dernier, de nombreux autres pays africains ont également retrouvé leur liberté. Tous les Algériens, sans distinction aucune -y compris ceux-là mêmes qui, dans un moment d'égarement et de solitude, avaient collaboré avec les forces de la colonisation- sont aujourd'hui très fiers de cette histoire qui a offert au prix d'innombrables sacrifices le choix de l'autodétermination à d'autres peuples. Sur ce plan-là, la satisfaction est absolue. Les divergences de la société algérienne contemporaine porte sur la gestion post-indépendance des affaires du pays. Bien avant le recouvrement de la souveraineté nationale, les textes fondateurs de la révolution (Appel du 1er Novembre et Actes du Congrès de la Soummam) avaient balisé le terrain pour asseoir les fondements de l'Etat algérien moderne. La restauration de l'identité algérienne et la mise en place d'un solide régime social figuraient en tête des préoccupations. Les besoins étaient énormes. La gratuité de l'enseignement et de la formation pour tous a affranchi de larges pans de la société de l'ignorance à laquelle ils étaient condamnés. Les services publics élémentaires offerts gracieusement aussi (santé, subventions des produits de consommation, prise en charge des démunis et des victimes de la guerre) ont également permis de soulager progressivement les frustrations et les privations longtemps contenues. L'Etat algérien a aussi énormément investi dans le développement de l'infrastructure de base. Des dizaines d'universités, des milliers d'écoles, des établissements sanitaires par centaines, des villes nouvelles, des usines, des autoroutes, des moyens de communication ont été entre-temps mis en place. Mais avec une démographie galopante, la qualité de tous ces services étaient bien en deçà des attentes. Malgré la violente crise multidimensionnelle des années 1990, l'Algérie a relativement bien réussi sa mutation à l'économie de marché pour poursuivre sa marche vers le développement du même pas ferme. Depuis le début des années 2000, le pays a, en effet, repris avec la croissance économique, réalisant annuellement des taux positifs qui se situent autour de 3 et 4%. Cela se traduit par une amélioration constante du niveau de vie des citoyens. On est évidemment bien loin des espérances entretenues par le peuple algérien, mais la voie est toute tracée pour y parvenir. La jeunesse algérienne, à laquelle est dédiée cette fête de l'indépendance, se réapproprie les valeurs et les symboles de la nation et croit de plus en plus au «rêve algérien». C'est cet espoir-là qui nourrit toutes les avancées réalisées jusque-là. Beaucoup de chemin reste cependant à faire pour que nos compétences à l'étranger prennent le chemin du retour et pour que les entreprises étrangères viennent s'installer sérieusement en mettant leurs capitaux et leur savoir-faire dans un partenariat mutuellement bénéfique. Ce challenge de la prospérité reste aussi à la portée de ce pays qui a eu déjà à relever des défis autrement plus lourds.