Signature d'un mémorandum d'entente entre la cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque à Istanbul    Conseil de sécurité: les A3+ appellent à une transition inclusive en Syrie    Judo/Championnats d'Afrique individuels: l'Algérie décroche sept médailles    Haltérophilie/Championnat d'Afrique séniors (3e journée) : l'Algérien Farid Saadi (96kg) s'illustre avec trois médailles d'or    Agressions sionistes: le PAM a "épuisé tous ses stocks alimentaires" à Ghaza    Décès du Pape François: Attaf signe le registre de condoléances au nom du Gouvernement algérien    63e anniversaire de la création de la Cour constitutionnelle turque: Belhadj salue les bonnes relations entre la Cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque    CAF: Walid Sadi à Accra pour assister aux travaux du Comité exécutif    Secousse tellurique de 3,2 dans la wilaya d'Oran    Signature d'un mémorandum d'entente entre l'ENSUP-énergies renouvelables et la société chinoise LONGI en matière de recherche et de développement    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.439 martyrs et 117.416 blessés    Boudjemaa préside la cérémonie d'installation de la commission chargée de la révision du Code de procédure civile et administrative    Projection à Alger du film documentaire "La Saoura, un trésor naturel et culturel"    Averses orageuses, vendredi et samedi, sur plusieurs wilayas du pays    Abdelhamid Bourayou, un parcours au service du patrimoine amazigh    Rebiga préside la réunion de la Commission nationale de préparation des cérémonies commémoratives des journées et des fêtes nationales    Exposition à Alger en hommage au militant anticolonialiste yougoslave et ami de l'Algérie, Zdravko Pecar    Le président de la République achève sa visite à Béchar : des projets stratégiques reflétant la volonté de l'Etat de réaliser un développement intégré dans le Sud    Grande campagne de nettoyage durant ce week-end    Quand les abus menacent la paix mondiale !    La famine se propage..    «Les relations qui ont connu un développement notable doivent évoluer vers une nouvelle étape»    Ooredoo brille lors de la 2e journée de l'ICT Africa Summit 2025    Naissance d'un club sportif du nom du chahid Pr Djilali-Liabes    Des armes de guerre du Sahel et des drogues du Maroc saisies par l'ANP    Manuel de survie pour un régime en sursis    Guerre ouverte contre la violence !    «Ziani va nous rejoindre à la DTN»    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Une vision prospective claire, selon les experts    L'arbitre de la rencontre USMK-PAC au box des accusés !    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    Un programme sportif suspendu    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La quête de l'oubli dans une mémoire tourmentée
Le Passé devant soi de Gibert Gatore aux éditions Chihab
Publié dans La Tribune le 11 - 07 - 2010

Poignant, émouvant, déroutant, tels sont les qualificatifs que l'on pourrait attribuer au roman le Passé devant soi du romancier rwandais Gilbert Gatore, publié par les éditions Chihab.
Dès la première page, une voix avertit les lecteurs : «Chers inconnus, bienvenue dans ce récit. Je dois t'avertir que si, avant de mettre un pied devant l'autre, il te faut distinguer le sentier incertain qui sépare les faits de la fable, le souvenir et la fantaisie ; si la logique et le sens te paraissent une seule et même chose ; si, enfin, l'anticipation est la condition de ton intérêt, ce voyage te sera peut-être insoutenable.» Ainsi, le ton de l'œuvre est donné, dans une écriture fluide, mêlant harmonieusement réalisme et fable. Le Passé devant soi harponne les lecteurs par les tripes et qui resteront longtemps hantés par cette œuvre surprenante.
Le roman alterne, en fait, deux récits, deux voix, deux destins marqués par la tragédie d'un pays que l'auteur a choisi de ne pas nommer. Les deux personnages - Isaro et Niko, la victime et le bourreau dont le point commun est le passé douloureux de massacres engendrés par la folie des hommes. Ces deux personnages partagent en commun le fardeau inhumain d'une telle mémoire à laquelle on ne peut survivre, que l'on appartienne à l'un ou à l'autre camp.
L'histoire d'Isaro et la fable de Niko se relaient dans un style classique pour la première et celui d'une violente fable pour le second. Au-delà des passages «insoutenables» qui plongent le lecteur dans les abysses sombres des hommes, tant sur le plan psychologique que celui d'actes monstrueux, l'auteur se pose tel un humaniste qui relate la détresse humaine face au poids du souvenir, quel que soit le camp de l'individu. Gilbert Gatore choisit de ne pas donner de réponse aux nombreuses questions qu'il pose, de ne pas se poser en juge. Il n'affirme rien, il interroge. Ainsi, Isaro, seule rescapée du massacre de toute sa famille, vit en France dans un exil doré, surprotégée par ses parents adoptifs. Elle qui semble avoir étouffé son passé, un flash à la radio va tout faire remonter à la surface. C'est un véritable cataclysme qui va ébranler son univers, révélant de vieilles blessures encore purulentes : «Elle est contente de constater que ce monde, qui ne doit avoir changé en rien, lui est devenu totalement étranger aujourd'hui.»
Face à cette tragédie de la mémoire, Isaro décide de se consacrer à un projet dont la finalité est de constituer un recueil de témoignages sur cette folie meurtrière. Elle abandonne sa famille et ses brillantes études pour se rendre dans son pays natal et récolter les témoignages des habitants, dans l'espoir vain de comprendre l'inconcevable. Mais cela la mènera dans un tourbillon mémoriel sans fin qui, finalement, ne lui apportera pas la sérénité de l'esprit, mais la poussera vers l'acte ultime de mettre fin aux
tourments de son âme.
Niko, muet de naissance, grandira dans l'indifférence de son père et victime de sa différence, il vivra une enfance solitaire. A l'age adulte, il rejoindra par la force des choses les tortionnaires, armés de gourdins et de machettes. Niko le paria deviendra un redoutable chef sanguinaire, qui trouve dans son statut de bourreau un pouvoir inattendu.
Lorsque s'achèvent les horribles massacres, Niko prenant conscience de ses exactions s'exile alors sur une île maudite, dans une grotte, lieu d'initiations traditionnelles où vivent de grands singes qui le séquestrent. Dans cette solitude, il questionne son existence passée, témoignant de son impuissance à comprendre ce qui, un jour, l'a fait dévier de son chemin tranquille, ce qui lui a fait prendre une machette, ce qui lui a fait massacrer ses proches. Il revient sur son impuissance à comprendre d'où est né le chaos, et aussi ce qui a ramené le monde à un semblant de normalité. Son impuissance à trancher face au choix le plus trivial qui puisse être : mourir ou bien tuer.
Le lecteur est entraîné dans l'esprit de Niko, ce «labyrinthe sauvage» qui égrène au long de paragraphes numérotés, comme des versets bibliques, les insupportables souvenirs et pose des questions dures : «Ceux qui tuent ont-ils une raison ? Et ceux qui meurent ?» «Doit-on quelque chose à son ange gardien ?» «Prendre la vie de quelqu'un interdit-il de disposer de la sienne ?» Pour Niko, la quête de l'oubli est aussi impossible, prisonnier de la justice des singes, alors que celle des hommes a échoué par impuissance ; il se laissera dépérir dans une lente agonie. Ses dernières interrogations avant que son âme ne s'envole sont : «Est-ce lui qui se répand dans l'air sous la forme d'un relent insupportable et au sol l'aspect d'un coulis visqueux et noirâtre que les insectes, écœurés, laissent aux vers ?» Au final, que l'on soit victime ou bourreau, l'esprit est rongé par les mêmes questions : comment pardonner, comment oublier, comment renaître ? Est-ce possible ? Survivant de la tragédie rwandaise, Gilbert Gatore publie, à 26 ans, ce premier roman fort «qui pose avec délicatesse et courage des questions universelles ». Le Passé devant soi, qui a paru en 2008, a obtenu le prix Ouest-France Etonnants voyageurs. C'est le premier tome d'une trilogie intitulée Figures de la vie impossible. L'auteur avait confié à un quotidien français : «Je ne suis pas sûr que la mémoire serve à quelque chose, elle prolonge les événements, mais n'apporte aucune réponse.» Il a ainsi choisi la fiction pour donner la parole à ces êtres blessés, une forme qu'il considère comme «la manière d'approcher une vérité impossible à dire».
S. A.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.