La paisible ville de Fréha, à Tizi Ouzou, est soudainement sortie de l'anonymat. Elle, qui n'était connue que pour la bonne qualité de ses viandes ou la beauté de ses vergers, est devenue, en l'espace d'une semaine, le théâtre d'une nouvelle tragédie : un autre entrepreneur vient d'être kidnappé par des inconnus. Bien plus que la triste nouvelle, les habitants de cette région des Ath Jennad -confédération de villages regroupant plusieurs communes de la région- sont en train de donner une nouvelle leçon de mobilisation citoyenne et de solidarité. En organisant une grève générale et une marche, hier, comme l'ont fait ceux de la daïra de Boghni et avant eux les habitants du village Issenadjen, à Iflissen (Tigzirt), ils mettent du baume au cœur malgré la douleur que suscite un événement pareil. Cela fait plusieurs années en effet que les Algériens ont perdu cet élan de solidarité. Cette qualité si essentielle qui a permis d'arracher l'indépendance et de vaincre, des dizaines d'années plus tard, le terrorisme. On se souviendra, en effet, que c'était à Igoujdal (Azeffoun), un village situé à quelques kilomètres de Tala T'gana, lieu de l'enlèvement de l'entrepreneur Lounes I., que les citoyens avaient décidé de se défendre eux-mêmes contre l'hydre intégriste. Des groupes d'autodéfense étaient créés un peu partout dans le pays pour lutter, aux côtés des services de sécurité, contre le terrorisme, même si cela avait fini par créer des polémiques. Ces citoyens, qui s'organisent aujourd'hui pour défendre leur honneur, ont droit à plus de respect. C'est le message de la résistance. Un message d'un peuple qui ne se laisse pas faire malgré les souffrances et les privations. Il est malheureusement loisible de constater que la mobilisation citoyenne ne suffit plus. Des Algériens sont sortis à Issenadjen, puis à Ath Kouffi et aujourd'hui à Fréha. Cela n'a pas fait fléchir cette étrange pratique qui consiste à kidnapper des entrepreneurs, hommes d'affaires et autres commerçants, pour demander des rançons en contrepartie de leur libération. Il est anormal de constater que ce phénomène d'enlèvements se limite presque exclusivement à la Kabylie. Pis, il ne concerne que des entrepreneurs et des hommes d'affaires. Cela vise-t-il à dissuader les quelques investisseurs de rester dans une région déjà en proie à des retards de développement énormes ? Vise-t-on à faire peur où veut-on tout simplement remplir les caisses des groupes terroristes par ces procédés abjects ? En tous les cas, ce qui se passe est extrêmement grave. D'autant plus que l'Etat est coincé entre deux impératifs. Le premier consiste à lutter contre le paiement de la rançon, le deuxième est celui d'assurer la sécurité des personnes. Une chose est certaine, seule la conjugaison des efforts de tous, population et Etat compris, pourra arriver à bout de ce phénomène qui pèse de plus en plus sur la vie des populations déjà très éprouvées par deux décennies de violence. A. B.