De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Ils sont là, à Paris. Ils ne sont pas venus des colonies «pour sauver la patrie», comme lors de la Seconde Guerre mondiale, mais au nom de leurs quatorze, plutôt treize en l'absence de la Côte d'Ivoire, patries qui ont accédé à l'indépendance en 1960. Ils, ce sont les 400 soldats africains qui défileront ce matin sur les Champs-Elysées à l'occasion de la fête nationale française. L'initiative de cet événement controversé, à l'occasion du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises, revient au président Sarkozy. Outre les soldats qui ouvriront le défilé militaire, seront présents à la tribune, en qualité d'invités d'honneur, les chefs d'Etat et de gouvernement de ces pays africains. Sauf le président ivoirien qui a décliné l'invitation, mais qui sera représenté par son ministre de la Défense, et le chef de l'Etat malgache dont la légitimité est contestée. Dans une lettre à Jacques Toubon, ancien ministre, chargé de la Mission, Sarkozy lui demande «d'animer et de coordonner les différentes réformes, initiatives et manifestations qui devront marquer, en 2010, le renouveau des relations entre la France et l'Afrique», dont la participation au défilé du 14 Juillet. «Ces anniversaires constituent l'occasion de confirmer clairement le tournant de nos relations avec l'Afrique qui doivent rester privilégiées tout en étant équilibrées, transparentes et décomplexées», assure Sarkozy. Mais l'initiative du président français ne fait pas l'unanimité. Elle a sa part de polémique, de controverse et d'opposition. La plus significative est celle manifestée par plusieurs dizaines d'associations africaines et françaises, ainsi que des partis politiques comme le Parti communiste et le parti de gauche, qui ont organisé une manifestation, hier soir, suivie d'un bal anticolonial. «Cinquante ans de Françafrique, ça suffit ! Arrêtons le soutien aux dictateurs ! Soutenons les peuples africains» est le titre de l'appel lancé qui cite un certain nombre de présidents africains. Particulièrement virulent, l'appel estime que «la France qui, durant la colonisation, avait abondamment pillé les ressources et utilisé les peuples comme réservoir de main-d'œuvre, poursuit depuis cinquante ans sa politique par tous les moyens, au détriment du développement des pays concernés, ce qui amène de nombreux africains à migrer pour nourrir leurs familles». Les signataires de l'appel exigent «un partenariat entre l'Europe et l'Afrique pour le développement et l'émancipation de l'Afrique hors tutelle du gouvernement français». La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme a, de son côté, adressé une lettre ouverte au président Sarkozy lui demandant «de rendre publique la composition des délégations étrangères invitées» pour savoir s'il n'y a pas la présence «de dictateurs et autres prédateurs des droits de l'homme et, que au lieu et place de les poursuivre, la France les honore». L'Elysée a tenu à assurer que, vérifications faites, aucun des invités «ne fait l'objet d'une procédure judiciaire». Mais le débat n'est pas pour autant clos sur l'avenir des relations africaines, la perpétuation d'un néo-colonialisme ravageur pour les peuples africains ou enfin la mise en œuvre d'une nouvelle politique en faveur du développement de l'Afrique, présente dans les discours depuis des décennies, mais presque indécelable dans les faits.