L'euro est tombé, vendredi dernier, sous la barre de 1,50 dollar, cotant 1,4996 dollar. Il s'agit de son plus bas niveau depuis six mois. L'euro, qui n'avait pas connu de chute aussi brutale face au billet vert depuis huit ans, est en baisse vertigineuse depuis les propos tenus à Francfort jeudi dernier par Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne (BCE), qui s'exprimait à la suite de la décision de l'institution de laisser son principal taux directeur inchangé. Ce responsable a évoqué le net affaiblissement de la croissance économique dans la zone euro, lequel a été suivi d'un plongeon historique de la monnaie européenne. «Nous avions identifié certains risques pour la croissance […]. Certains se matérialisent», avait affirmé M. Trichet qui jusque-là mettait l'accent sur les dangers inflationnistes, reléguant les craintes pour la croissance au second plan. «Ne constatant aucun signe de restrictions significatives de l'offre de prêts bancaires», Jean-Claude Trichet a expliqué que les risques de ralentissement économique en Europe sont aujourd'hui élevés. «En particulier, ces risques proviennent de l'effet négatif sur la consommation et l'investissement de hausses non anticipées des prix alimentaires et énergétiques», a-t-il estimé. A cet égard, les «effets de second tour», consistant à relever les salaires pour compenser la hausse du coût de la vie, doivent être évités, tandis que «les pays en déficit budgétaire doivent développer des plans concrets et ambitieux d'assainissement». Avec des propos aussi pessimistes, il est clair que l'essoufflement de l'activité économique constitue désormais le souci numéro un de la BCE. Il faut dire que l'inflation de la zone euro a atteint 4,1% le mois dernier, un record depuis la création de cette zone dont la BCE avait fixé le taux d'inflation tolérable à un maximum de 2%. Malgré ces pressions inflationnistes, la BCE a décidé de ne pas relever son principal taux d'intérêt -déjà relevé début juillet à 4,25%- par peur de casser la croissance. Les problèmes de l'économie européenne s'amoncellent alors : rebond du chômage et ralentissement de l'activité. L'Europe, qui semblait, au début, mieux résister que les Etats-Unis aux turbulences économiques, va droit vers la récession. Pour Holger Schmieding, analyste chez Bank of America, la rafale de mauvais indicateurs de l'économie en zone euro «force même les observateurs les plus optimistes à concéder qu'on ne peut plus exclure une récession technique». L'économie de la zone euro devrait avoir au mieux stagné au deuxième trimestre de cette année (les statistiques doivent être publiées jeudi prochain). Et le troisième trimestre s'annonce tout aussi médiocre. Face à ce scénario, la BCE pourrait même penser à baisser ses taux directeurs d'ici quelques mois pour soutenir la croissance. Et c'est cette perspective de baisse des taux qui aura pour effet de réduire la rémunération de l'euro. Ce qui pousse les gestionnaires internationaux de capitaux, notamment asiatiques, à se retourner vers un dollar qui pourrait devenir au cours des prochains mois plus attractif. D'un autre côté, le billet vert bénéficie du reflux rapide des cours du pétrole et, plus généralement, de l'ensemble des prix des matières premières, libellés en dollar. En moins d'un mois, le baril de brut, que certains voyaient à 200 dollars d'ici la fin de l'année, a perdu plus de 32 dollars. De 147,27 dollars le 11 juillet, le baril est retombé à environ 115 dollars vendredi dernier. «Il n'y a pas vraiment de justification rationnelle à cela mais, depuis quelque temps, il y a une évolution inverse entre le dollar et le pétrole. Lorsque le pétrole monte le dollar baisse et inversement», constate M. Christian Parisot, économiste chez Aurel. Selon des analystes, la chute de la monnaie unique a également été encouragée par des facteurs techniques et psychologiques propres aux marchés. «Après avoir enfoncé les seuils de support [niveaux en dessous desquels une valeur n'est pas attendue par les analystes, ndlr], la monnaie unique a déjà affûté ses armes pour la cible des 1,50 dollar et une autre baisse ne peut pas être exclue dans les prochaines semaines, en particulier sur des marchés estivaux donc volatils», commentaient les analystes de Capital Economics. Les investisseurs rachètent des dollars au détriment des euros parce qu'ils redoutent que la zone euro puisse «être la première à entrer en récession», expliquent ces analystes. En zone euro, tous les clignotants sont au rouge. Depuis un mois, la situation économique s'est nettement dégradée dans les principaux pays de la zone monétaire. Le moral des ménages et la confiance des industriels plongent, la consommation est en berne et la production montre des signes de faiblesse. Les économistes n'hésitent plus à tabler sur une récession pour la fin de l'année. Très alarmés par la série noire d'indicateurs conjoncturels, certains d'entre eux estiment néanmoins que la BCE devrait baisser ses taux graduellement l'an prochain, jusqu'à 3,5%. A signaler enfin que, la semaine prochaine, les investisseurs garderont un œil sur les indices de prix à la consommation, alors que le marché s'attend à ce que l'inflation atteigne un pic en août, selon le stratégiste de Natixis. De plus, les marchés seront particulièrement attentifs aux chiffres sur l'inflation publiés en zone euro, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. H. Y. Les grandes économies européennes ne sont pas épargnées L'économie allemande inquiète La détérioration du climat économique en Allemagne inquiète. Le PIB allemand aurait reculé de 1% au deuxième trimestre, selon les économistes. L'industrie, qui constitue le point fort de la première puissance économique de la zone euro, connaît des ratés. Les commandes industrielles ont reculé de 2,9% en juin, la baisse atteignant même 5,1% pour les commandes en provenance de l'étranger. L'Allemagne et, derrière elle, toute la zone euro, qui avaient jusqu'à présent relativement bien résisté à la crise venue des Etats-Unis, se retrouvent aujourd'hui touchée. L'Italie fait un pas inquiétant vers la récession L'économie italienne fait un pas inattendu en direction de la récession. Elle s'est contractée de 0,3% au deuxième trimestre, une contre-performance jugée de mauvais augure pour l'ensemble de la zone euro. L'économie italienne est depuis plus de dix ans l'une des économies européennes les plus atones. Les perspectives n'ont cessé de s'assombrir récemment au vu d'indicateurs tels que le moral des consommateurs actuellement au plus bas. L'Espagne dans une situation délicate L'Espagne se trouve dans la situation la plus délicate. L'économie ibérique a été largement affectée par l'éclatement de la bulle immobilière et la rapidité de la transmission du choc au reste de l'économie est impressionnante. Ainsi, le chômage a fortement augmenté au cours des derniers mois. L'Asie n'échappe pas au ralentissement L'économie japonaise est à son tour affectée par la crise financière. La production industrielle a reculé de 2% en juin, portant le repli à 0,8% au deuxième trimestre (après -0,7% au cours des trois premiers mois de l'année). Cette publication confirme la perte de confiance des dirigeants d'entreprise nippons, mesurée par l'enquête Tankan. La Chine souffre également Pour la première fois depuis sa création (avril 2004), l'indice PMI des directeurs des achats s'est replié en juillet sous la barre de 50 points (48,4 points contre 52 points un mois plus tôt). Dans le même temps, les pressions inflationnistes restent fortes. Toutefois, elles sont essentiellement liées au renchérissement des matières premières.