Le Makhzen s'embourbe. Pas de doute là-dessus. A chaque fois que notre voisin le roi met l'Algérie dans le box des accusés, c'est que le Maroc profond bouillonne. C'est presque automatique. Au fil des ans, tous les observateurs ont fini par relever cette constante concomitance entre les déclarations «sulfureuses», cruellement anti-algériennes, de Sa Majesté et les crises successives qui affectent le régime marocain. Même les populations du royaume, assujetties à la volonté d'un Makhzen moyenâgeux, savent que les sorties tonitruantes de la famille régnante servent toujours à étouffer leurs protestations et à masquer leur quête légitime d'émancipation sociale. Du temps de Hassan II comme aujourd'hui avec M6, l'exercice –au risque d'ennuyer les sujets de Djalalatouhou – reste inchangé. Le même rituel est scrupuleusement respecté. A l'occasion de la fête du trône, devant un parterre de courtisans aplatis, le seigneur prend la parole pour justifier le malheureux destin réservé à son peuple. Pour son numéro de 2010, la fausse colère de Mohammed VI n'a pas dérogé à la règle. «L'Algérie va à l'encontre de la logique historique dans le dossier du Sahara occidental», a-t-il accusé, en soulignant – à l'endroit de millions de Marocains qui vivent dans des conditions dramatiques – que son pays «reste attaché à sa souveraineté sur le Sahara occidental et ne cédera aucun pouce de son territoire». Bien malin qui saura déchiffrer les intentions du roi quand il parle de cette curieuse «logique historique». La question de la colonisation du Sahara occidental est inscrite, depuis plus de trente-cinq ans, dans l'agenda de l'Organisation des Nations unies. Elle est soumise à ce qu'on appelle communément la légalité internationale. L'ONU et son Conseil de sécurité, habilités à se prononcer en toute crédibilité sur ce sujet, prônent depuis longtemps l'organisation d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Les résolutions onusiennes produites dans ce sens qualifient clairement la présence marocaine sur ce territoire de colonisation. L'Union africaine, dont le Polisario est membre à part entière, est intimement convaincue du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Toutes les autres organisations régionales et des dizaines de pays reconnaissent le Polisario et le considèrent comme le seul représentant légitime du peuple sahraoui. Parmi les ONG et l'opinion publique internationales, le courant favorable au Polisario est largement majoritaire. Voilà la seule logique qui pourrait résoudre durablement la question du Sahara occidental. A la lumière de toutes ces constantes, on se rend vite compte que le discours royal est destiné exclusivement à la consommation intérieure. Il n'a aucune autre explication. La manœuvre de notre voisin le roi, comme toutes les précédentes, est manifestement grossière. Tôt ou tard, le peuple du Sahara occidental s'offrira le droit de se prononcer souverainement sur son destin, car nul ne peut dominer la volonté d'un peuple. Les vaines intrigues du Makhzen retardent seulement les bienfaits de l'intégration maghrébine dont le peuple marocain a grandement besoin par ces temps de crise. Il est vrai aussi que les intérêts du Makhzen et ceux du peuple marocain ne sont jamais les mêmes. K. A.