Les signes avant-coureurs d'une éventuelle agression visant l'Iran deviennent au fil des jours de plus en plus palpables. Les sanctions drapées du sceau onusien, les pressions économiques des Américains promptement suivies par les Européens, les «fuites» plus ou moins organisées chargeant l'Iran de tous les maux régionaux sont autant de signaux augurant du pire. Dimanche, le chef d'état-major interarmées américain déclare qu'un plan d'attaque des Etats-Unis contre l'Iran était prêt si «Téhéran se dotait de l'arme nucléaire». Ce scénario du pire aura beau être catastrophique, les militaires US semblent ne pas l'exclure. Une action militaire contre l'Iran pourrait ainsi avoir «des conséquences non voulues qui sont difficiles à anticiper dans une zone aussi incroyablement instable», reconnaît l'amiral américain Michael Mullen. Les Etats-Unis ne peuvent pas pour autant, dira-t-il, laisser Téhéran se doter de l'arme nucléaire tout en exprimant ses inquiétudes quant à l'évolution de la crise. Le responsable américain s'est dit «optimiste» que les pressions diplomatiques de la «communauté internationale» et les sanctions qu'elle impose à l'Iran conduisent Téhéran à abandonner son programme d'enrichissement d'uranium. De même, le président américain Barack Obama a affirmé que toutes les options restaient sur la table. Un choc pétrolier, conséquence d'une action armée de cette nature dans une zone où transite le quart de la production mondiale ne semble plus inquiéter. Pour les observateurs, un baril qui bondirait extraordinairement serait plutôt une aubaine inespérée pour le cartel des grandes compagnies pétrolières. Ces derniers pourraient dès lors se lancer dans l'exploitation à haut coût des schistes et des sables bitumineux du Groenland et au Canada. Opter pour d'aventureuses campagnes de forage en eaux profondes recouvrerait en crédibilité après la calamiteuse opération BP dans le golfe du Mexique. Téhéran aura beau insister que son programme d'enrichissement d'uranium est uniquement dédié à des fins civiles et pacifiques, rien n'y fait. L'hostilité de certaines capitales occidentales relève désormais du «principe politique» et du «fondement stratégique».Et c'est devenu un scénario coutumier ; l'Iran réagit aux menaces à peine voilées. Téhéran met en garde Washington contre une éventuelle action armée contre l'Iran. Une telle action menacerait inéluctablement la sécurité dans l'explosive région du Golfe. La situation géographique de l'Iran, l'emplacement stratégique du fameux détroit d'Ormuz dit «la carotide de l'Occident», et la réaction imprévisible du Hezbollah constituent un véritable casse-tête pour Washington. «Si les Etats-Unis commettent une erreur en attaquant l'Iran, la sécurité de la région sera mise en danger». Pour les officiers de l'armée iranienne, la sécurité dans la région du golfe Persique concerne tout le monde. Si les Américains menacent la stabilité de la région par leurs velléités d'agression «ils devraient en payer le prix». Téhéran dit être prêt à se défendre contre toute agression menée par les Etats-Unis ou son allié Israël. L'Etat hébreu serait, en effet, paré à une action militaire contre l'Iran d'autant plus que Tel-Aviv bénéficie d'un statut hors norme dans les rapports internationaux. C'est le seul Etat au monde capable d'agresser ses voisins sans qu'il ne soit inquiété outre mesure par les gardiens de la «légalité internationale». Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad voué aux pires gémonies par des médias occidentaux, qui jouent une partition bien rodée, décide d'opter pour l'apaisement. Il propose un dialogue «face à face» et «d'homme à homme» avec le président américain Barack Obama pour parler des «questions mondiales». A l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies prévue en septembre prochain, Ahmadinejad se dit prêt à parler librement des questions mondiales avec le président des Etats-Unis devant les médias. «Le gouvernement américain a déclaré récemment qu'il était prêt à dialoguer. Très bien. Nous sommes prêts à dialoguer. Nous sommes pour le dialogue mais de manière logique», dira le président iranien. Les Occidentaux «ne comprennent pas que les données ont changé dans le monde», ajoutera le président iranien. L'accord sur le nucléaire conclu en mai avec les Turcs et les Brésiliens avait un tant soit peu déstabilisé un front occidental adepte de la manière forte contre l'Iran pour qui la question nucléaire relève de la souveraineté nationale. Le Conseil de sécurité des Nations unies sous le pression américaine a adopté le 9 juin une résolution renforçant les sanctions contre l'Iran. L'accusation frise le ressassement : l'Iran chercherait à se doter de l'arme atomique sous couvert de programme nucléaire civil. Cette initiative a été rapidement suivie par l'adoption de sévères sanctions unilatérales par les Etats-Unis, l'Union européenne leur emboîte le pas et instaure un régime rigoureux contre les entreprises iraniennes. La menace de l'agression visant l'Iran est désormais brandie ostensiblement. Le programme de l'action diplomatique est pourtant maintenu. Septembre prochain, de nouvelles discussions sur le dossier nucléaire sont envisagées entre Téhéran et les puissances du groupe des Six (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne), ainsi qu'entre l'Iran et les pays du groupe de Vienne (Etats-Unis, Russie, France). La question plus spécifique d'un éventuel échange de combustible nucléaire y sera centrale. Dans son dernier discours, le président iranien rappelle une situation inique constituant une source réelle de déstabilisation dans la région. Ahmadinejad dénonce le soutien aveugle des Etats-Unis à Israël. «Vous soutenez un pays qui a des centaines de bombes atomiques et vous dites que vous voulez stopper l'Iran qui pourrait éventuellement avoir la bombe un jour. Vous ne faites que vous discréditer dans le monde.» M. B.