Les pressions anti-iraniennes s'accentuent. L'agence de renseignement américaine CIA déclare que l'Iran dispose de suffisamment d'uranium faiblement enrichi «pour fabriquer deux armes» nucléaires. C'est le numéro un du service de Langley Leon Panetta qui l'affirme. Pour ce dernier, les Iraniens ont la capacité de mettre au point un engin de cette nature dans une période de deux ans. Moscou, dont les relations avec Téhéran se sont refroidies depuis quelque temps, a promptement réagi. La sortie de Panetta est dite «prise au sérieux» et les informations données sont qualifiées d'«inquiétantes» par le président russe Dimitri Medvedev. Se trouvant à Toronto à l'occasion du sommet des pays du G20, le président russe déclare que «ces informations doivent être vérifiées d'autant que la communauté internationale ne reconnaît pas que le programme nucléaire iranien soit transparent». De quoi ajouter une couche de pression sur l'Iran qui se retrouve au cœur d'une campagne qui n'a pas encore révélé tous ses aboutissants. «Si cette information est confirmée, cela va rendre la situation encore plus tendue et je n'exclus pas que cela puisse demander un examen supplémentaire», a poursuivi le président russe dans un exercice de surenchérissement devenue méthodique. Les savants iraniens sont ainsi stigmatisés de vouloir faire évoluer leur pays sur le plan énergétique. Ils sont accusés de continuer à «développer le savoir-faire, ainsi que la capacité nucléaire» d'un pays qui pourrait être fortement fragilisé après l'extinction de la ressource pétrolifère. «Ils continuent à travailler sur la conception des armes» et «cela soulève des inquiétudes quant à leurs intentions, jusqu'où ils veulent aller», dira le directeur de la CIA. La campagne de diabolisation de l'Iran prend ainsi une tournure nouvelle. On se rappelle que l'Irak a été envahi sur la base d'un mensonge sur la prétendue présence d'armes de destruction massive. La CIA semble opter pour les mêmes méthodes afin de pousser à une agression militaire aux conséquences incalculables. Jeudi, le Congrès américain adopte un projet de loi de sanctions contre l'Iran. Objectif déclaré : forcer Téhéran à abandonner ses fameuses ambitions nucléaires. Si pacifiques seraient-elles. Israël qui dispose d'un arsenal nucléaire des plus destructeurs est désignée comme la victime potentielle des «visées» iraniennes. Interrogé sur les inquiétudes de l'allié israélien, le chef de la CIA confirme si besoin est que l'Etat hébreu et les Etats-Unis partageaient leurs informations sur l'évaluation de la capacité nucléaire iranienne. Les sanctions américaines contre l'Iran que le président Barack Obama doit promulguer auront pour but notamment de perturber l'approvisionnement en essence de Téhéran. C'est que l'Iran dispose de capacités de raffinage limitées. Un point faible que les Occidentaux comptent mettre à profit pour faire davantage pressions sur les Iraniens. C'est dans cette optique que l'UE a également décidé à la mi-juin de sanctions visant le secteur sensible du raffinage du pétrole. Les nouvelles mesures européennes et américaines sont considérées comme destinées à accompagner celles de la résolution adoptée début juin au Conseil de sécurité de l'ONU. Les Occidentaux redoublent d'ingéniosité pour trouver le moyen idoine de «piéger» des Iraniens qui se sentent en droit d'user de la technologie nucléaire. D'autant plus que les deux poids, deux mesures des relations internationales plaident pour une suspicion permanente. Pour le responsable de la CIA, des sanctions économiques ciblées contre l'Iran seraient loin de dissuader l'Iran de chercher à se doter de capacités nucléaires. D'aucuns liront dans cette proclamation un message pour les va-t-en-guerre qui prônent l'action armée contre l'Iran. Pour d'autres experts de la question iranienne ; les nouvelles sanctions adoptées au début du mois par le Conseil de sécurité des Nations unies pourraient causer de sérieux problèmes économiques et vraiment jouer un rôle pour «affaiblir le gouvernement iranien». Sous la pression de l'administration Obama qui montre un visage plus dur que celui présenté en début de mandat, le Conseil de sécurité a adopté le 9 juin un quatrième train de sanctions contre l'Iran. L'Union européenne et les Etats-Unis emboîtent le pas en additionnant des sanctions dites unilatérales. En réaction à la sortie du premier responsable de la CIA, l'Iran répond en accusant la centrale américaine de mener «une guerre psychologique». Pour Téhéran, la CIA sait pertinemment que le programme nucléaire iranien n'a pas de visées militaires. «Ce genre de déclarations ont pour but de donner une vision négative sur les activités nucléaires pacifiques de l'Iran», a déclaré le porte-parole de la diplomatie iranienne. Les déclarations de Panetta surviennent alors que les pressions économiques visant l'Iran vont bon train. Le groupe pétrolier français Total a décidé de cesser ses livraisons de produits pétroliers à Téhéran après l'adoption aux Etats-Unis de nouvelles sanctions. L'information est livrée par le quotidien Financial Times. En avril dernier, le groupe français avait indiqué dans son rapport annuel que les nouvelles sanctions envisagées par Washington pourraient avoir un «impact défavorable significatif» sur ses résultats et ses activités en Iran. La nouvelle série de mesures restrictives doit encore être promulguée par le président américain Obama, après leur adoption la semaine dernière par le Congrès. Ces mesures anti-iraniennes, qui complètent celles décidées récemment par l'ONU, visent notamment à perturber l'approvisionnement en essence de l'Iran. Elles touchent des compagnies ou leurs filiales qui traitent avec l'Iran en fournissant des produits pétroliers raffinés ou en installant des structures de raffinage. Quatrième producteur mondial de pétrole brut, l'Iran accuse néanmoins un point faible majeur. Son industrie pétrolière dépend fortement des importations pour son approvisionnement en essence et produits raffinés. De plus, les grandes compagnies pétrolières internationales encore présentes en Iran, à l'image de Shell, Total, ou Statoil, subissent des pressions pour limiter leurs activités dans ce pays. Face à la pression de plus en plus tangible, les Iraniens sont contraints de trouver au plus vite la parade pour parer à la charge. M. B.