Photo : S. Zoheir Par Smaïl Boughazi A l'instar de tous les produits alimentaires, les boissons connaissent, elles aussi, pendant le Ramadhan une demande de plus en plus croissante. Cet état de fait a poussé l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB) à lancer une campagne de sensibilisation durant ce mois sacré. Les producteurs de boissons justifient leur action par l'anarchie caractérisant actuellement le marché national. Il faut reconnaître, en effet, que des boissons rafraîchissantes fabriquées localement au mépris des normes admises sont écoulées sur le marché national avec tout ce qu'elles représentent comme dangers pour la santé du consommateur. Pour faire barrage à ce genre de produits, l'APAB a décidé d'alerter le consommateur par le biais des médias. Cette campagne de sensibilisation débutera aujourd'hui et s'étalera sur trois semaines. Les responsables de l'association visent à travers cette action à accroître la culture de consommation du citoyen en l'incitant à réfléchir davantage à son acte d'achat, qui doit être orienté vers des boissons de qualité dont la production a scrupuleusement respecté les règles d'hygiène et de sécurité. Elle a également pour objectif d'attirer l'attention du consommateur sur certains aspects qu'il doit prendre en compte pour distinguer les références d'un produit de qualité tels l'étiquetage et les dates de fabrication et de péremption. Dans ce sillage, les responsables de l'APAB reconnaissent que les faux producteurs se sont multipliés ces derniers temps, mettant sur le marché des boissons dont les conditions de production et de stockage sont douteuses. Selon l'APAB, des personnes sans foi ni loi commercialisent des jus et des limonades confectionnés dans des baignoires. D'autres contrefacteurs utilisent même des colorants et des arômes non contrôlés. Cette situation trouve son origine dans le secteur informel qui représente, selon les chiffres disponibles, environ 10% du marché. Toutefois, certains producteurs remettent en cause ces statistiques, estimant que le chiffre peut atteindre aisément les 40%. Explication : sur les 1 600 opérateurs inscrits au CNRC, près de 500 sont visibles et considérés comme des professionnels. Un label et un manuel de traçabilité Face à cette situation qui n'arrange pas les affaires des producteurs, d'innombrables actions ont été initiées par l'APAB. D'ailleurs, ils comptent créer un label qualité avant fin 2010 pour définir les normes de fabrication, de conditionnement et de distribution de ces produits. Ce projet a été élaboré avec la collaboration de l'Institut algérien de normalisation et de l'Agence allemande de coopération technique (GTZ). Ce label, dont le projet sera soumis aux autorités compétentes à la fin du mois d'octobre prochain, constitue, selon les producteurs de boissons, «un paramètre référentiel de traçabilité permettant de définir les normes de fabrication, de conditionnement et de distribution du produit». L'APAB a en outre édité un manuel de traçabilité en collaboration avec le programme PME II, il y a quelques mois. Ce document, premier du genre dans le secteur agroalimentaire en Algérie, prend en considération plusieurs aspects de cette activité, notamment l'évolution règlementaire récente, avec la mise en place de la loi 09-03 du 24/02/2009 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes, l'évolution règlementaire européenne en la matière et le développement des nouveaux outils d'identification. Ce document, riche en informations, est dédié à l'ensemble des acteurs de la filière boissons et définit les concepts et les intérêts de la traçabilité en en précisant ses enjeux. Il permet aussi de connaître les obligations des professionnels conformément à la législation algérienne ou européenne, les différentes démarches pour mettre en place un système de traçabilité. Des moyens techniques et une méthodologie sont proposés pour apporter aux producteurs de boissons des solutions pratiques. Malgré toutes ces actions engagées en vue de remettre de l'ordre dans une filière prometteuse et capable de générer de la valeur ajoutée, les professionnels du secteur reconnaissent que le contrôle doit suivre cette croissance. Ils ne cachent pas que de nombreux faux producteurs ont été débusqués par les agents du ministère du Commerce. M. Ali Hamani a estimé récemment qu'il faut «rendre hommage au ministère du Commerce qui a fait un travail dans ce sens». Il a précisé que «beaucoup d'unités ont été fermées durant l'exercice 2009 pour non-respect des règles de production et manque d'hygiène», assurant que l'association a dénoncé ces pratiques à maintes reprises. Il va sans dire qu'en dépit de tout cet arsenal initié par l'APAB, le consommateur est lui aussi impliqué dans cette affaire, particulièrement durant ces périodes de grande consommation. Car, certains pensent que le manque d'implication des consommateurs pour faire face à ces produits douteux est derrière la prolifération des faux producteurs. Rappelons enfin que la production de la filière a été estimée à fin 2008 à près de 20 millions d'hectolitres. Quant au chiffre d'affaires, il était de l'ordre de 45 milliards de DA à fin 2008, selon les experts, qui affirment que seulement 24% des entreprises couvrent l'ensemble du pays, alors que 13% rayonnent sur la région et 63% distribuent leurs produits seulement au niveau local.