De notre correspondant à Constantine A. Lemili Monoprix, Galeries algériennes et ancien Globe ont donc vécu. A Constantine, la population urbaine disposait de «son» réseau de grande distribution au lendemain de l'indépendance. Par souci de traitement équitable de tous les Algériens, l'Etat prenait, quelques années plus tard, des mesures visant à mettre à la disposition des populations rurales et enclavées les «Souk el fellah». Une réplique à l'origine réputée rurale, mais graduellement urbanisée des grandes surfaces. S'agissant à l'époque d'une économie dirigée, il n'y avait forcément aucun souci à se faire quant à leur gestion dans la mesure où l'opulence relative prévalant autorisait les services de l'Etat à alimenter sans désemparer ces structures et qui, dans la foulée, cédaient tous les produits sans distinction à des prix défiant toute concurrence. Nul n'aura oublié qu'il était aussi facile pour un bodybuilder en herbe d'acheter un extenseur qu'un moteur de hors-bord Mercury, en passant par du café soluble décaféiné pour les cardiaques. Et en même temps en raison du tout-Etat, les services de l'Etat achetaient, contrôlaient, vendaient, perdaient énormément et peu importe dans ces cas de figure parce que le Trésor public assumait en bout de file. Ainsi, la disponibilité était telle qu'elle faisait rager nos voisins et la technique du discount existait bien avant que le concept n'effleure les esprits dans le reste du monde. Le monopole étatique de cet écheveau commercial et économique ayant montré ses limites, est-il alors envisageable de reproduire le même modèle ? Bien entendu, cela relèverait de l'hérésie à moins que l'initiative ne vienne du secteur privé. Et le secteur privé national en a-t-il les moyens ? Pis, dispose-t-il du management à même de régler comme du papier à musique une, voire des activités multiples qui s'enchevêtrent sans se nuire ? Mieux encore, qui fonctionneraient dans une quasi-totale harmonie ?Le secteur privé national, trop tiède ou plutôt trop près de ses sous, ce qui n'est que légitime, ne risquera jamais de s'aventurer dans celui de la grande distribution et encore moins à Constantine, comparativement à la capitale.L'organisation constitue dans la grande distribution le point nodal de sa réussite. Quand des hommes ou un groupement de sociétés envisagent de créer une chaîne de grandes surfaces, d'hypermarchés, leurs cabinets-conseils auront pris tout leur temps pour dégager une étude de faisabilité, une étude de marché et plus prosaïquement une étude qui permettrait de déterminer si l'affaire est rentable et dans quelle limite ou non. C'est gagnant-gagnant ou rien.Or, Constantine est par excellence la ville qui n'en est plus et sans doute ne le sera plus. Aussi pompeux et grandioses que sont les projets qui sont prévus pour sa population. Elle est d'abord atomisée, l'essentiel de ses habitants est, dans le cadre du relogement, réparti à travers les onze autres communes sinon dans les deux nouvelles villes (Ali Mendjeli et Massinissa). Et au départ même, rien qu'en moyens de transport, il n'y a eu aucune réflexion au cours de la conception de ces villes à forte et désordonnée densité. En général, pourtant la grande distribution et ses moyens de commercialisation (grandes surfaces, hypermarchés) sont excentrés par rapport au centre urbain et la disponibilité et la fiabilité du réseau de transport, des annexes d'accompagnement (parking, aires de jeux, garderie d'enfants et nurserie, cafétéria) règlent la question et font la différence. Cela est connu. Reposer le problème autrement, c'est-à-dire en concentrant la grande distribution en milieu urbain ne ferait que faire prendre le problème inversement. Celui du transport demeurant omniprésent. D'où donc le pullulement de ce qui, affectueusement, est appelé supérettes. Faciles à monter, à gérer et moins coûteuses sur le plan des charges. Ces supérettes qui poussent comme des champignons à la faveur du recyclage d'un argent que l'opinion générale affirme douteux, souvent bien achalandées, sont loin toutefois de répondre aux cahiers des charges auxquels les obligerait un Etat de droit. En tout état de cause, en l'absence d'un contrôle strict qui déterminerait l'origine des produits, de leur qualité, il est présomptueux d'affirmer que la grande distribution, face à ce vide réglementaire institutionnel et autres petits détails qui feraient que c'est à elle d'aller vers le client et non l'inverse, a des chances de voir le jour dans la ville des Ponts.Quoi qu'il en soit, tant que la situation n'est seulement que désespérée, il y a lieu de garder en mémoire qu'en l'absence de la configuration du paysage commercial ci-dessus évoqué, les petits commerces ont tout à gagner. Même si voraces et cupides à leur tour, leurs propriétaires ne font pas de quartier.