De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Tout commence par la tradition qui date de l'époque du Prophète (QSSSL), le début du Ramadhan est annoncé la veille, après la confirmation de l'apparition de la nouvelle lune. L'observation naturelle est une tradition ; au niveau de la wilaya et de plusieurs localités du pays, les familles accordent un grand intérêt à la surveillance de la nouvelle lune du Ramadhan. Elles procèdent au nettoyage de la maison et particulièrement de la cuisine et des ustensiles utilisés pour la préparation des plats durant le mois sacré. Selon les endroits, les membres de chaque famille s'efforcent d'entamer ce mois avec le corps et l'esprit propres, afin que ce pilier de l'islam soit bien accompli.Timechret ; un fort moment de gaieté et de solidarité pour des villageoisLe début de ce mois est abordé aussi par des dons en argent et en denrées alimentaires qui sont offerts aux familles nécessiteuses, afin de permettre à ces dernières de passer le Ramadhan dans un minimum de dignité. C'est ainsi que l'occasion nous a été donnée d'assister à une cérémonie traditionnelle de la distribution de la viande «thimechret» ou «lewziaa» dans le village Rezag de la commune d'Akfadou de la wilaya de Béjaïa. Dans ce bourg isolé et oublié au milieu de la forêt, qui n'a bénéficié d'aucun projet de développement depuis des lustres, les villageois se résignent et les jeunes désœuvrés et sans emploi tombent dans le marasme. Ces villageois n'ont de moment de gaieté qu'à cette occasion où, grâce à l'initiative d'un jeune opérateur économique originaire du même village, les familles ont droit à une part de viande et d'autres aides. Avec fierté, un quinquagénaire nous a indiqué que cette opération se tient chaque année et depuis longtemps, thimechret est pour lui une occasion de se rencontrer et de connaître tous ceux qui sont issus du village et qui l'ont quitté depuis des années pour des raisons professionnelles ou autres. Notre interlocuteur a ajouté que le mois de Ramadhan est une bénédiction de Dieu, car c'est la période où tous les membres des familles sont soudés et s'entraident. Cette solidarité constitue, selon lui, un patrimoine identitaire qu'il faut sauvegarder d'une génération à l'autre. La joie des enfants qui suivent scrupuleusement le déroulement de l'opération, l'engouement des jeunes qui s'efforcent de maintenir cet esprit de solidarité et la satisfaction affichée sur les visages des vieillards de l'ancienne génération de voir cet acte de bienfaisance se perpétuer et se généraliser afin de rassembler toutes les familles du village, sont des constats et des instants inoubliables, car ils expriment un peu l'attachement des différentes générations à leur culture et leurs traditions à une époque où la mondialisation et le matériel règnent sur la société.La frénésie des achats s'incruste fortement dans les habitudes des citoyens En plus de ces traditions séculaires, la sédentarité a pu modifier ou inclure des coutumes dans notre société. Mais ces dernières sont très liées à la conjoncture et aux conditions sociales dans lesquelles vivent les populations. Parmi les changements introduits ces dernières années par les pénuries et la flambée des prix des produits alimentaires, il y a «thasewikt» du Ramadhan, où les ménages s'approvisionnent en denrées alimentaires diverses afin d'éviter de grever leur budget. Durant le mois sacré, certains ménages se permettent des f'tours plus gargantuesques les uns que les autres. Ainsi, le Ramadhan permet de se retrouver autour d'une chorba ou de mets traditionnels avec des proches parents et des amis. En dehors de son impact patrimonial et de solidarité sociale, le mois sacré est considéré comme celui où les citoyens sont le plus avides d'acheter tout ce qu'ils voient sur les étals, parfois sans prêter attention aux conditions d'exposition et à l'hygiène des produits. Notamment les mets traditionnels, les fruits et les gâteaux de différents styles, saveurs et ingrédients, qui sont écoulés sur les trottoirs par une chaleur caniculaire. L'après-rupture du jeûne commence à entraîner des modifications chez les citoyens, un grand nombre souffre d'un déficit en sommeil. Pour d'autres, c'est le moment idéal pour se distraire, se promener en ville et rencontrer des amis. Alors que certains préfèrent les mosquées pour prier et compléter leur devoir religieux, les jeunes sont nombreux à chercher des lieux de distraction ou à suivre un spectacle quelconque au niveau de la ville. Au même moment, les salles de café et les places publiques se remplissent d'adultes et de jeunes ; quelques-uns pour discuter, d'autres pour jouer aux cartes, aux dominos et au loto, jeux très populaires et qui connaissent une affluence durant ce mois.