Le consommateur algérien attend toujours la viande bovine en provenance d'Inde. Annoncée en grande pompe, l'opération d'importation pour le mois de Ramadhan de 4 000 tonnes de cet aliment avait pour objectif l'inondation du marché afin de contrer la spéculation et l'augmentation sauvage des prix. Or, au sixième jour de jeûne, il n'y a toujours pas l'ombre d'une bavette de buffalo indien sur les étals. Alors, plusieurs interrogations s'imposent. D'abord, à quoi bon importer une viande pour Ramadhan et la commercialiser après l'Aïd ? Est-ce une simple faille dans le timing ou une autre affaire de pomme de terre importée du Canada ? Ensuite, pourquoi une véritable campagne médiatique, digne de «Monicagate» a été menée contre la viande bovine en provenance de l'Inde ? De la viande congelée, dont la majorité des consommateurs ignorent la provenance, est commercialisée depuis des années sans que personne y voit à redire. Pourquoi alors celle-ci est-elle décriée ? Certains remettaient en cause ses qualités gustatives sans jamais avoir mordu dedans. Les réponses sont multiples. Il faut dire qu'une transaction commerciale, que certains ont chiffrée à 30 millions de dollars, vaudrait la peine de donner sa langue au chat. Question de goût. L'aubaine pour les heureux contractants devient harassante pour les autres. Surtout que le mot «exclusivité» d'importation est prononcé. Dans une économie d'équilibre -des profits- une telle notion conjuguée avec l'accord de l'Etat peut provoquer des scènes des plus inattendues. Chaque force, ou qui se veut ainsi, du monde énigmatique de l'importation revendique sa part de «l'exclusivité». Contrairement aux économies libérales, où la concurrence loyale fait force de loi, une telle tension n'aurait jamais pu avoir lieu. Mais quand c'est l'Etat, tout le monde revendique «son droit» de cuissage. Et pour remettre en cause ledit contrat, les déçus s'évertuent à trouver la faille. Et là, petitement, par excès d'égocentrisme pour éviter tout chauvinisme méprisant, on met en doute la qualité de la viande, car elle vient d'Inde. Et l'on évoque des maladies et des virus qui, jurent-ils, gangrènent le produit. Car il vient d'Inde. Parce que dans l'imaginaire du simple citoyen, le pays de Gandhi est une terre de misère. Où les transports sont bondés, les villes insalubres et un simple accident de la route fait des centaines de morts. Non messieurs, l'Inde est classée à la 12e place des économies mondiales en dollars depuis 2007. Avec son 1,1 milliard d'habitants, elle présentait, déjà une croissance de 8% du PIB. Depuis sa révolution verte, New Delhi ne cesse de gravir les échelons de l'économie mondiale. Alors, on ne dénigre pas le produit indien comme on ne médit pas sur la technologie chinoise (deuxième dans le monde). Pour cela, il faut présenter un palliatif produit localement. Mais, à ce niveau, mieux vaut la viande du buffle que celle de l'âne. S. A.