Considéré comme la mère des réformes, le processus de réforme bancaire peine réellement à décoller, et les objectifs qui lui ont été assignés tardent, en effet, à se concrétiser. Engagé, en grande pompe, par les pouvoirs publics, en 2004, ce processus, quatre ans après, se trouve, selon Abdellhak Lamiri, éminent économiste, dans une «zone moyenne». En décodé, ni échec ni réussite totale. Les avis des spécialistes en la matière, soit du côté des institutions bancaires, soit du côté des opérateurs, convergent globalement vers une seule conclusion : la réforme bancaire est sur le droit chemin, mais il reste beaucoup à faire. Que reproche-t-on, dans ce cas, à ce processus ? Quelles avancées a-t-on enregistrées ? «Si l'on regarde la réforme bancaire dans la globalité, on trouve des choses bien avancées, et celles moins avancées», nous a répondu d'emblée Brahim Benabdesalem, directeur général de MDI. «Il est inconcevable qu'un grand pays comme l'Algérie possède un système monétique à la traîne ; les institutions bancaires algériennes, ont enregistré une certaine modernisation, en termes notamment de paiement de chèque, qui passe ces derniers temps au plus tard à 48 heures», précise la même source. Il s'agit de la dématérialisation des chèques, dont l'encaissement qui prenait plus d'un mois, est en marche, (26 000 opérations de télécompensations par jour). Lui emboîte le pas M. Lamiri, pour qui les pouvoirs publics, «confondent», a priori, l'approche réforme avec celle de modernisation. «On ne peut parler réellement d'une réforme bancaire si l'on évoque seulement la modernisation des paiements, et du système de télécompensations interbancaires des chèques», a-t-il laissé entendre. «Les divers objectifs tracés pour cette réforme, un certain nombre d'entre eux ont avancé, et d'autres piétinent», a-t-il ajouté. «La véritable réforme est de savoir où l'on va mettre l'argent des banques», lâche-t-il. Plus critique, cet expert s'est interrogé sur la non-prise en considération par cette nouvelle politique bancaire, du chapitre des investissements, qui demeure à ses yeux, le pivot de tout le décollage économique du pays. «Les utilisations des ressources dans les PME deviennent de plus en plus capitales pour notre économie. Et les banques doivent jouer le jeu en mettant des ressources pour ces PME si l'on veut réellement créer, comme on l'évoque souvent, 100 000 PME au lieu de 3 000 par an», souligne cet économiste. Sur ce point précis, un autre expert nous a fait savoir que le financement des banques connaît lui aussi des avancées, même si, admet-il, «le dialogue reste difficile avec les entreprises». Pourquoi le ministère des Finances a-t-il attendu 4 années, et juste la semaine écoulée pour mettre en œuvre «une feuille de route précise», englobant diverses mesures, entre autres l'amélioration de la gouvernance, la valorisation des ressources humaines ? Il s'agit d'une «halte» pour mesurer les retards et prendre les mesures nécessaires pour accélérer ce processus, estime un expert banquier. Le ministère des Finances a, en effet, organisé dans le courant de la semaine dernière un atelier avec tous les acteurs concernés par la ladite réforme. Ce rendez-vous a permis de définir les grands contours devant permettre aux banques privées et publiques d'avoir «une feuille de route précise» pour finaliser ce chantier colossal. Parmi les points relevés par les spécialistes en la matière, figure «l'amélioration des capacités d'engagement et d'expansion des crédits en visant, notamment, l'intensification des financements des entreprises et l'utilisation optimale des ressources d'épargne et le financement des projets». D'autres mesures ont été également mises en exergue par le département de Djoudi, à savoir «l'amélioration de la gouvernance qui constitue un axe essentiel des réformes, la mise en place des instruments essentiels qu'exige la bonne gouvernance d'entreprises, et surtout la valorisation des ressources humaines considérées comme un volet prioritaire visant à l'optimisation des compétences». Enfin, le retour d'Ahmed Ouyahia à la chefferie du gouvernement donnera-t-il un nouveau souffle à cette réforme, et par ricochet, accélérer a-t-il son processus ? Sur ce point, la réforme telle qu'engagée en 2004 (par ce même Ouyahia), pourrait, de l'avis de certains spécialistes en la matière, connaître sa vitesse de croisière, compte tenu de son profil, mais surtout de sa parfaite connaissance des dossiers économiques. Première mesure seulement quelques jours après avoir repris la clé du palais du Dr Saadane : convoquer les P-DG des banques publiques pour faire le point, et surtout mettre à nu les entraves que rencontrent les jeunes investisseurs dans le processus des crédits bancaires. Ouyahia a également instruit les banques publiques concernées par le financement des microentreprises (BNA, BDL, CPA, BADR et BEA) de veiller à la présence effective des représentants des banques dans les comités nationaux et locaux rattachés aux agences (ANEM, ANGEM, CNAC), pour statuer sur l'éligibilité du crédit bancaire pour les futurs projets de création des PME. «Tout manquement dans ce domaine, par négligence, concussion ou encore corruption, engagera la responsabilité des concernées conformément à la loi», a averti le chef du gouvernement. S. B.