Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab Long comme un jour sans pain. L'expression est l'image parfaite d'une journée de Ramadhan, avec la soif en plus. Surtout quand ce mois tombe en plein été, avec ses longues journées chaudes. Il s'agit dès lors de trouver comment meubler le temps qui ne passe pas aussi vite qu'on le voudrait. Si pour une partie des jeûneurs, le travail représente une bonne diversion qui, en s'y plongeant, leur permet de s'occuper une bonne partie de la journée, un fort contingent, des jeunes essentiellement, doivent se débrouiller pour passer le temps sans trop ressentir les tiraillements de la faim et de la soif. Certains optent pour le sommeil et dorment toute la journée. D'autres cherchent quoi se mettre sous la dent.N'avoir rien à faire tout au long d'une journée est sans doute la meilleure occasion d'aller à la découverte de nouveaux horizons, de choses inédites et de mondes inconnus. En visitant une exposition, on s'offre un voyage dans cet univers de couleurs et de formes expressives qui vous content le monde vu autrement. Au théâtre, ce ne sont pas moins de deux heures de bonne ambiance qui vous feraient oublier les affres de la faim et de la soif. Idem pour le cinéma ou la danse.Mais, petit problème, durant le mois de Ramadhan, il n'y a ni expositions ni représentations théâtrales durant la journée. Quant au cinéma, il y a belle lurette qu'il a déserté la scène culturelle algérienne.Les animateurs et organisateurs, privés et publics, d'activités artistiques ont décidé que la culture ne peut et ne doit être consommée qu'après le f'tour, le ventre plein. Ainsi, durant la journée, c'est le désert plat. Le jeune ne peut que dormir ou courir les marchés, les boulangeries et les vendeurs de gâteaux pour satisfaire cette frénésie d'achats qui s'empare de nombreux jeûneurs.Il reste toutefois l'option «lecture». Avec un livre - pas de recettes de cuisine ou d'analyses statistiques - on peut se plonger dans une histoire qui vous transportera ailleurs, loin de ces images de plats fumants et de verres d'eau embués qui brouillent la vue et hantent l'imaginaire. Et l'option «cinéma chez soi» qu'offrent les nouveaux supports numériques (DVD), sans l'ambiance des salles sombres toutefois.Une question demeure. Les Algériens consommeraient-ils de la culture en période de jeûne ? A voir la faible affluence dans les salles de spectacle après le f'tour, on ne peut que douter qu'il y ait des visiteurs dans une galerie d'art ou des spectateurs dans un théâtre durant la journée. On ne penserait même pas à prendre un livre. Et sa cherté n'a rien à voir. On peut toujours emprunter un bouquin quand on veut lire. Le problème est en fait la lecture qui n'a plus aucune place ni dans nos écoles ni dans nos habitudes. Seul le cinéma trouve grâce aux yeux des jeunes. Et encore, si le film n'est pas trop «indigeste», autrement dit si ce n'est pas du cinéma à thèmes. Le digest, le fast-food est partout, même en art. C'est d'ailleurs le secret de la réussite des kheïmas de Ramadhan où la culture, si tant est qu'on puisse appeler cela de la culture, n'est qu'un ingrédient, au même titre que le morceau de kalbelouz et le verre de thé. On comprend dès lors que les organisateurs, connaissant la place et le statut de la culture au sein de notre société, préfèrent programmer les spectacles en soirée. Mais cela ne dédouane pas les responsables de la culture. Bien au contraire. Si la culture est arrivée à ce stade de décrépitude et de disgrâce, c'est bien parce qu'ils l'ont expulsée de l'école et de l'éducation pour la confiner dans le festif et le folklorique.