Photo : Riad Par Hasna Yacoub «L'Algérie est la dernière destination touristique dans le Maghreb, elle est pourtant la première région à grand potentiel touristique parmi les pays maghrébins.» Tel est le paradoxe soulevé par le premier responsable du secteur, M. Cherif Rahmani, il y a quelques mois. Le gouvernement a mis en place une politique jusqu'à l'horizon 2025, visant à intégrer le circuit touristique international avec un objectif annuel de 2,5 millions de touristes et cela dans le cadre du schéma directeur de l'aménagement touristique. Une enveloppe financière conséquente a également été prévue. Mais l'argent est loin d'être le handicap de ce projet. D'ailleurs, les professionnels du secteur le reconnaissent, à l'exemple du directeur général de l'hôtel Safir Mazafran, M. Gilbert-Antoine Jabre. Ce véritable passionné de l'hôtellerie, fort d'une riche carrière internationale de plus de trente-cinq ans, avait mis le doigt sur le mal qui ronge le tourisme en Algérie. Dans une interview accordée à la Tribune, M. Jabre avait souligné que «l'établissement hôtelier est un terminal dans la chaîne du tourisme. Il y a auparavant l'ambassade, la compagnie aérienne, le taxi […] il suffit d'une étincelle pour que le client soit déçu. Si nous voulons ramener des touristes en Algérie, il faut améliorer toute cette chaîne». Qu'est-ce qui freine l'envolée du tourisme en Algérie ? Il s'agit tout simplement de l'absence de coordination. Le tourisme, ce n'est pas uniquement un acte matériel et la construction d'hôtels mais une chaîne articulée autour de tous les acteurs de la vie économique : transport, énergie, ressources en eau, culture, sécurité, autorités locales. Pour accueillir des touristes, il y a une logique à respecter. Prévoir les infrastructures d'accueil, améliorer les prestations, faciliter la procédure des visas, améliorer le service de la CNAN et d'Air Algérie en proposant des prix concurrentiels, penser à la disponibilité des moyens de transport pour les touristes à toute heure, préparer des guides touristiques pour promouvoir la destination Algérie ou encore faciliter les transactions bancaires… Toute cette organisation ne dépend malheureusement pas que du seul ministère du Tourisme. Pour réussir, un travail de coordination entre tous les secteurs, les maillons, pourrait consolider la chaîne qui «tractera» le pays vers le progrès. C'est à ces différents niveaux que l'intersectorialité des activités touristiques doit trouver sa pleine signification dans la mesure où le produit touristique constitue un lieu de convergence d'une multitude de prestations produites par de nombreux intervenants. Après avoir pensé à la refonte du dispositif législatif et réglementaire de l'activité touristique, ainsi qu'à l'instrumentation du développement de l'investissement dans le secteur du tourisme, l'Etat doit penser, aujourd'hui, à une coordination avec le ministère de l'Enseignement supérieur et celui de la Formation professionnelle pour une refonte du système de formation qui doit répondre qualitativement et quantitativement aux exigences de la demande nationale dans les domaines du marketing, de l'ingénierie touristique et des divers métiers du tourisme. Une planification avec les ministères des Finances, des Transports, de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, de la Culture, les services des Douanes, de sécurité ou encore ceux des wilayas s'impose. Il faut aller vers la création de commissions mixtes afin de clarifier les tâches, de définir les responsabilités, de cibler rapidement les défaillances et les combler. L'Algérie, qui a saisi les enjeux stratégiques du secteur du tourisme, générateur de richesse et d'emplois, s'est fixée comme objectif l'émergence d'une véritable industrie touristique. Mais le pays doit d'abord organiser son dispositif. Ensuite anticiper sur les nouvelles tendances de la demande interne et externe et adapter en permanence l'offre touristique aux motivations et exigences des consommateurs. Car, c'est l'état d'esprit qui compte. Dans le domaine du tourisme comme ailleurs, il y aura toujours une «prime au pionnier». Le premier pays à tenir compte des changements gagnera des parts de marché. En dernier, il y a l'ambiance (chaleureuse ?) avec laquelle il faudra que les Algériens accueillent leurs clients. La générosité et l'hospitalité du peuple algérien sont connues. Mais est-ce suffisant ?