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Laïmèche Ali, l'irréductible révolutionnaire, un livre d'utilité universelle
Mohand Amara, coauteur de la biographie parue chez l'Harmattan
Publié dans La Tribune le 02 - 09 - 2010


Entretien réalisé par notre correspondant
à Tizi Ouzou Lakhdar Siad
Son nom autrefois glorifié par les chants révolutionnaires (dont quelques-uns sont son œuvre) qui résonnaient dans les villages de Kabylie, et craint par la police française et les responsables politiques coloniaux qui découvraient stupéfaits une intelligence et une figure emblématique radicale hors pair parmi les «indigènes», a désormais un livre, une référence. Un premier document unique de 107 pages, exceptionnel par ses témoignages et recueils de déclarations de mémoire qui en appellent d'autres avant de voir disparaître à jamais ses compagnons contemporains : Laïmèche Ali, l'irréductible révolutionnaire, de Mohand Amara et Kamal Ahmane, jeunes auteurs, sorti récemment en France aux éditions l'Harmattan. L'increvable militant du mouvement pour l'indépendance de l'Algérie au milieu du siècle dernier revient, à travers les lignes, les mots, redonner des leçons d'humanisme et d'engagement à la nouvelle génération de combattants pour l'identité et la culture amazighe partout dans le pays pour lequel (offrande d'exception) il a offert sa seule et meilleure tranche de vie : sa jeunesse. Puisqu'il est mort à seulement 21 ans, emporté précocement par une paratyphoïde contractée au contact de son autre compagnon des âpres et extraordinaires luttes contre le colonialisme français, un autre géant de l'époque anticolonialiste, Bennai Ouali. Laïmeche Ali est en fait celui qui a très tôt pris conscience et fait ouvrir les yeux des siens d'hier et d'aujourd'hui sur deux impératifs fondamentaux à l'épanouissement de l'identité millénaire du peuple nord-africain : l'affranchissement du joug de l'impérialisme occidental, du colonialisme français plus particulièrement et l'attachement aux racines linguistiques, culturelles et à la civilisation amazighe du peuple algérien. Un livre d'actualité surtout, comme le montre si bien Younes Adli, écrivain et journaliste, qui a préfacé ce magnifique travail de mémoire et de résurrection que l'Harmattan a publié après qu'une demi-douzaine de maisons d'édition algériennes contactées par les auteurs l'eurent dédaigné
LA TRIBUNE : Vous venez de cosigner un livre d'histoire intitulé Laïmèche Ali, l'irréductible révolutionnaire, et qui est paru, en France, aux éditions l'Harmattan. Comment vous est venue l'idée d'écrire un livre sur Laïmeche Ali ?
Mohand Amara : D'abord, moi, personnellement, j'ai toujours été frappé par le fait qu'un aussi grand personnage comme Laïmeche Ali n'ait eu droit qu'à de maigres biographies ou à d'occasionnels articles de presse. Ce constat de carence m'est paru autant injuste qu'injustifiable. Evidemment, il serait bien aisé de faire endosser cet état de vacuité aux pouvoirs publics. Pour ma part, je considère que s'en tenir à l'explication boiteuse selon quoi tout procède de la politique d'occultation poursuivie par le pouvoir en place à l'égard de la présence berbère et particulièrement contre celui qui en symbolisait l'essence même, c'est tout simplement faire montre d'une fatale déraison. C'est pour ainsi dire une belle manière de se défausser sur le régime, mais aussi de s'enfoncer dans les marécages de l'inconséquence et du fatalisme imbécile.Pour en revenir à votre question, l'idée en elle-même d'écrire sur Laïmeche a germé au détour d'une discussion avec mon coauteur et ami Kamal Ahmane, et ce, en 1999, alors que nous étions tous deux correspondants pigistes dans un quotidien régional fraîchement lancé, le Quotidien de Kabylie en l'occurrence. A l'époque, étant à la veille de la commémoration du 53e anniversaire de la mort de Laïmeche (6 août 1946, NDLR), nous avons résolu de préparer ensemble un article sur le sujet. Cependant, tandis que nous étions en train de travailler sur le projet, en essayant de ramasser le maximum de données, nous apprenions que la gazette à laquelle était destiné l'article allait, dès la fin juillet, cesser de paraître. Cela étant, plutôt que d'abandonner l'idée, nous avons opté pour la poursuite du travail entamé avant même de décider de sa finalité. Ce faisant, à mesure que notre travail de recherche et d'écriture gagnait en relief et en consistance, l'idée d'en faire une publication prenait progressivement corps. Ainsi, de fil en aiguille, nous en sommes venus définitivement à nous fixer sur le choix de faire un livre sur Ali Laïmeche.
Pouvez-vous nous fournir quelques détails sur la démarche suivie dans la conception de votre livre ?
Dans notre travail, nous avons essayé d'adopter les critères normatifs applicables à la recherche historique. En ce sens, nous avons passé au crible toutes les données recueillies, à la faveur de nos diverses investigations, en les soumettant à l'analyse, à la vérification et au recoupement. D'autre part, nous avons beaucoup tenu à explorer les profondeurs du sujet en privilégiant les faits prégnants et les saillies significatives à même de rendre compte de la personnalité complexe du héros, objet de notre étude. Aussi avons-nous essayé, à travers cette étude développée en spirale, au-delà de raconter l'itinéraire du personnage, de «restituer» et de décortiquer la pensée politique et de déchiffrer les messages sibyllins de celui que d'aucuns considèrent à juste titre comme un visionnaire doublé d'un révolutionnaire. Bref, nous avons surtout voulu reconstituer l'histoire biographique et politique de ce pionnier de la cause nationale algérienne, avec à la clé plein de leçons et d'enseignements à tirer. Il faut préciser en fait que notre objectif principal, outre l'hommage fort mérité que toute la nation se devait de rendre à cet inénarrable révolutionnaire, c'était de produire un livre susceptible de servir le lecteur, quelle que soit d'ailleurs sa nationalité. Ce livre est pour ainsi dire d'utilité universelle.
Comment expliquez-vous tout ce temps mis à achever l'écriture de ce livre ? De 1999 à 2009, soit dix années entières, n'est-ce pas beaucoup pour produire un seul livre ?
Effectivement, ça paraît très long… et même trop. A vrai dire n'étaient la patience et la conviction militante, le projet n'aurait jamais été mené à bout. Quant aux raisons de ce rallongement dans le temps, elles sont aussi nombreuses que diverses. Je me contenterai d'en citer les plus prépondérantes. En premier, le manque de documents se rapportant au sujet. Et lorsque ces documents existent, ils ne sont pas forcement à portée de main d'où la nécessité de faire le rat de bibliothèque, et encore le résultat n'est jamais garanti.
En outre, dès lors que le témoignage oral devenait notre principale source d'informations, nous nous trouvions face à d'autres contraintes autrement plus compliquées et dispendieuses en temps. En fait, il fallait chercher après les personnes ayant connu ou côtoyé Laïmeche, les trouver, les contacter, convenir éventuellement d'un rendez-vous – ce qui n'est pas toujours évident – ,etpuis recueillir leurs témoignages. Voilà, contrairement à l'écriture d'un livre littéraire (roman, nouvelle, poésie, etc.) où tu es seul – avec évidement ton inspiration – maître de la décision, dans le cas d'un livre universitaire, basé sur la recherche, tu te trouves le plus souvent incapable d'imprimer le rythme que tu souhaites car tu es en partie dépendant de la disponibilité et de la volonté d'autres intervenants. De plus, le recueil des témoignages est une tâche délicate qui implique tout un processus de préparation, de consignation et de traitement. Creuser et farfouiller dans la mémoire des gens, a fortiori les plus vieux d'entre eux, n'est pas en effet facile, loin s'en faut. C'est là, en somme, toute la difficulté à accoucher d'un produit où l'inspiration, si féconde qu'elle puisse être, seule ne suffit pas. C'est donc à juste titre qu'on peut dire que l'ouvrage en question est le fruit d'un véritable travail de maïeutique et de récollection.
Toujours est-il que, en automne 2002, nous avons fini de concevoir la première ébauche du livre. Malheureusement, nos tentatives de trouver un éditeur ont été toutes infructueuses. Nous avons déposé le manuscrit chez une demi-douzaine de maisons d'édition à Alger et aucune elles n'a daigné nous répondre. Après quoi, ce fut le statu quo, forcé, d'autant plus qu'il y avait eu le déclenchement des sanglants événements du printemps noir de 2001 en Kabylie et dans lesquels je me suis trouvé activement impliqué. Par la suite aussi, il y a eu le départ en Europe de mon coauteur Kamal qui finira par s'installer au Danemark. Bref, le projet a été mis en stand-by jusqu'à pratiquement l'année 2004 où j'ai recommencé à le retravailler et à l'étoffer à coups d'intermittentes retouches. Au final, l'ouvrage ne s'est trouvé que bonifié. En janvier 2008, j'avais entre les mains une nouvelle mouture du manuscrit que j'ai sitôt déposée chez quelques maisons d'édition algériennes, triées sur le volet, en l'occurrence Chihab, Dalimen, Casbah, l'Odyssée, Dar Samar et Barzakh. De plus, j'avais démarché sans succès d'autres éditions, notamment l'ENAG, la Maison du livre… et puis, que sais-je encore, d'autres maisons fantomatiques. En retour, hormis Chihab et Barzakh qui n'en ont pas voulu et la responsable de Dar Samar, qui a manifesté une réelle disposition à le publier (sauf que cette dernière m'a semblé manquer un peu de moyens), toutes les autres éditions n'ont même pas eu la décence et la correction de répondre ne serait-ce qu'à travers un email. Bref. Un ami m'a suggéré en fin de compte de soumettre le manuscrit à L'Harmattan, jugeant que l'ouvrage pouvait être publié dans la collection «Présence berbère» dirigée par monsieur Larbi Abdi. C'est ainsi qu'en avril 2008, soit seulement deux mois et demi après y avoir déposé le manuscrit, j'ai reçu une réponse favorable du comité de lecture de L'Harmattan. Après quoi, il a fallu encore toute une année à «accompagner» le travail de fabrication (correction, écriture de la 4ème couverture, mise en page, etc.) avant de parvenir à la maquette finale. En conclusion, je peux dire avec le recul que tout ce retard, commis indépendamment de notre volonté, a été très bénéfique. Ainsi, comme le suggérait Boileau, nous n'avons pas manqué à «vingt fois remettre notre œuvre sur le métier» pour être sûrs de produire quelque chose de bon à l'arrivée. Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour saluer tous ceux qui ont bien voulu nous fournir leurs témoignages, ainsi que notre préfacier, monsieur Younes Adli qui a apporté sa caution d'historien à notre ouvrage. Comme je tiens également à remercier notre ami Boumekla Madjid qui a toujours fait preuve de serviabilité chaque fois que nous avions eu à le solliciter.
Revenons maintenant au livre en question, pouvez-vous nous en résumer un peu le contenu ?
Comme je le disais tout à l'heure, l'ouvrage se veut à la fois biographique, donc un hommage, et historique, politique, autrement dit avec de la réflexion, de l'analyse, des leçons et des enseignements. Ce qui est aussi formidable peut-être dans ce livre, c'est qu'il permet d'appréhender par un regard furtif tout le bouillonnement politique, et d'une façon générale l'actualité événementielle des années 1940, ceci sans avoir à avaler des piles d'ouvrages en plusieurs volumes. En fait, il est compendieu, en ce sens qu'il livre, à la manière d'une mosaïque, l'essentiel avec une part belle au détail. De même pouvons-nous considérer l'ouvrage comme complet dans la mesure où on y retrouve, d'une part, non pas un seul mais plutôt le croisement de plusieurs destins et, d'autre part, une projection spectrale de la personnalité du héros, le tout sur fond d'une éphéméride aux allures de roman. En résumé, l'ouvrage raconte la vie intense d'un militant nationaliste qui, bien que mort à l'âge de 21 ans, aura, grâce à son charisme, son génie politique et son
engagement déterminé, indélébilement marqué son époque jusqu'à devenir une véritable légende. Une icône révolutionnaire dont l'évocation agace les tenants de l'ordre établi en Algérie autant qu'elle inspire les militants de la démocratie en général et les défenseurs de la cause amazighe en particulier. En raison de son esprit scientifique, de sa pensée révolutionnaire avant-gardiste et surtout de son implication dans la défense de la matrice de l'identité historique et authentique de l'Algérie, à savoir tamazight, l'évocation du personnage sera considérée par les «conservateurs» du régime algérien comme un acte subversif, et ce, à tel point qu'à une époque la commémoration même de sa mort était interdite.Aujourd'hui, la mémoire de ce pionnier de la cause nationale, après avoir échappé aux oubliettes, semble de plus en plus menacée de dénaturation par l'effet à la fois des clichés réducteurs et des
tentatives de récupération politicienne. C'est dire, au passage, toute l'urgence de cet ouvrage qui, faut-il le rappeler, est le premier à être consacré à celui qui fut pourtant, avec une petite poignée d'autres camarades, parmi les initiateurs des premiers maquis en Algérie et les annonciateurs de la guerre d'indépendance. Mais, le plus important peut-être est que ce livre, à travers notamment l'exploration de la pensée politique du héros, offre au lecteur le loisir de découvrir des réponses pertinentes à des questions toujours d'actualité et d'y puiser beaucoup d'enseignements utiles pour l'avenir. Voilà donc pour l'essentiel et il est à noter aussi qu'en appendice figurent des chants patriotiques d'Ali Laïmeche, transcrits en tamazight et accompagnés d'une traduction en français. Enfin, pour conclure, je dirai que c'est un livre qui se lit, se raconte et qui se chante !
Un dernier mot, un souhait peut-être ?
J'espère que l'ouvrage plaira au public et que ceux qui l'auront lu en tireront plein de satisfactions. Tanemmirt !


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