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Pourquoi les Etats-Unis ne sont pas encore prêts à se retirer de l'Afghanistan Neuf ans après les attentats du 11 septembre et le début de la guerre contre le terrorisme
Quel bilan peut-on faire aujourd'hui de la guerre d'invasion américaine de l'Afghanistan ? Il ne s'agit pas de faire le décompte macabre du nombre de victimes civiles qui ont été tuées en neuf ans de guerre contre la présumée nébuleuse islamiste d'El Qaïda. Il ne s'agit pas non plus de compter les pertes humaines des forces armées des Etats-Unis et de l'Alliance atlantique empêtrées dans un conflit qui n'est pas près de se terminer. A la veille de la commémoration du neuvième anniversaire des attaques du 11 septembre qui visait en 2001 les deux tours jumelles du World Trade Center à New York, les talibans ont estimé que les Etats-Unis ont perdu la chance d'instaurer la paix en Afghanistan. «Neuf ans après le 11 septembre, et après avoir tenté toutes les solutions militaires possibles en Afghanistan, ils ont perdu toute chance d'y instaurer la paix», ont écrit, dans un communiqué rendu public, les chefs talibans, déterminés plus que jamais à intensifier leur lutte contre la présence étrangère en Afghanistan. Le texte écrit en pachtou et signé «Emirat islamique d'Afghanistan (nom de l'ancien régime taliban qui a régné entre 1996 et 2001), a indiqué que «les Etats-Unis n'ont désormais plus qu'une option : retirer leurs forces d'Afghanistan sans conditions préalables». Pour les talibans, les forces étrangères, considérées comme des envahisseurs, «n'ont pas le droit d'imposer des conditions ou conditions préalables à leur retrait d'Afghanistan, d'une part parce qu'elles ont envahi et occupent le pays de manière illégale et, d'autre part, parce qu'elles sont défaites». Adressant leur message d'hostilité aux responsables américains, les insurgés afghans ont ajouté : «La coalition internationale qu'ils ont ralliée à eux au départ prend conscience maintenant de la réalité de la situation et a commencé à retirer ses forces d'Afghanistan pour se débarrasser de ce problème», note encore le texte. «Au lieu d'opter pour une solution logique de retrait», les Américains «continuent d'insister en appliquant des plans qui nourrissent l'instabilité politique, économique et sécuritaire de l'Afghanistan, de la région et même de l'Amérique elle-même», peut-on lire dans le communiqué. Sur ce dernier point, les talibans ne se sont pas trompés. Ils apportent même la réponse, sans données chiffrées, à la question concernant le bilan de neuf ans de guerre d'invasion des forces internationales de l'Afghanistan. La guerre d'occupation de l'Afghanistan, entamée il y a neuf ans, n'a apporté que destruction et désolation. Outre la ruine économique du pays, le nombre de morts provoqués par les affrontements, les bombardements aériens de l'aviation de l'OTAN, l'explosion des bombes artisanales et les attentats kamikazes ne font pas reculer les Etats-Unis qui comptent prolonger leur séjour en Afghanistan. Pour apaiser les ardeurs et la colère de l'opinion publique américaine, le successeur de Bush (que tout le monde avait applaudi en 2001 et 2003 pour s'être engagé dans les guerres d'Afghanistan et d'Irak), le président Barack Obama a promis un début de retrait des soldats américains à partir de 2011. Cette promesse qu'on peut plutôt assimiler à une déclaration d'intention ne peut pourtant pas se réaliser en l'état actuel des choses. La réalité du terrain est plutôt favorable à un renforcement des effectifs des forces internationales et à un changement de stratégie dans la lutte contre les insurgés de l'ancien régime islamiste de Kaboul. Les propos sceptiques du général David Petraeus, commandant des forces américaines et internationales en Afghanistan, sont venus comme un démenti à Barack Obama. Dans un entretien qu'il a accordé récemment à la chaîne de télévision NBC, M. Petraeus a laissé entendre qu'il se réservait le droit de juger prématuré un retrait de ce pays en juillet 2011. Pour lui, le retrait des forces internationales de l'Afghanistan «n'est pas un événement, mais un processus» dont la durée «dépendra des conditions» sur le terrain des combats. Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a, lui aussi, expliqué dans une interview à la Croix que «parler de retrait serait contreproductif». Dans une analyse intitulée «Pourquoi Washington veut l'Afghanistan», Jared Israel, Rick Rozoff et Nico Varkevisser, respectivement écrivain, journaliste et militant antimondialiste, publiée le 28 septembre 2001, il a été clairement établi que Washington n'avait pas vraiment l'intention de pacifier la planète des terroristes islamistes et, encore moins, l'Afghanistan de ses talibans. Les Etats-Unis ont l'intention de s'installer militairement dans la durée au cœur de l'Asie centrale. L'Afghanistan paraît être le meilleur endroit pour assurer leur présence sur ce continent. «Washington n'a pas besoin ni l'intention de pacifier l'Afghanistan. Il a besoin d'une présence militaire suffisante et organisée pour diriger des forces indigènes à pénétrer les républiques d'Asie centrale et à instiguer un conflit armé», ont indiqué les auteurs de cette analyse. «Plutôt que d'essayer de défaire les talibans, Washington leur fera une offre qu'ils ne pourront refuser : travailler avec les Etats-Unis ; recevoir de l'argent en abondance et des armes qui leur permettront de diriger le commerce de la drogue, tout comme les États-Unis ont permis à l'ALK de faire fortune de cette manière dans les Balkans», ont-ils ajouté, expliquant qu'outre les motivations économiques, Washington cherche à mettre la corde au cou à l'ancienne république soviétique. Connaissant les rivalités opposant les Etats-Unis à la Russie, cette analyse paraît plus vraisemblable que les raisons avancées par George Bush en 2001, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme et la capture du numéro d'El Qaïda, Oussama Ben Laden. L'enquête publiée par le Monde diplomatique dans sa dernière livraison du mois de septembre, sous le titre «D'où vient l'argent des talibans» conforte l'analyse des trois auteurs qui se sont opposés à un engagement militaire aussi bien en Irak qu'en Afghanistan. L'envoyé spécial du journal a révélé qu'une partie de l'argent des talibans provenait des aides octroyées par les Etats-Unis et leurs alliés au gouvernement afghan pour la reconstruction du pays. Washington le sait très bien et pourtant il continue de réunir des dons pour aider l'Afghanistan à réaliser les infrastructures de base nécessaires à la prise en charge de la population locale. Sur un autre plan, c'est Hamid Karzai, l'actuel président afghan, qui a été chargé de la mission de mener les talibans à accepter une offre de paix et de réconciliation, ce qui permettra de mettre un terme à la guerre définitivement dans le pays. Autrement dit, les trois analystes ont vu juste, précisément en ce qui concerne la question de mener les talibans à accepter la paix des braves en contrepartie d'une offre financière alléchante. Ce que les talibans n'ont pas encore accepté pour le moment, préférant poursuivre leur harcèlement des troupes américaines et internationales à travers tout le pays avec le recours aux attaques sporadiques des bases militaires étrangères, aux embuscades et aux bombes artisanales. L. M.