Les entreprises publiques n'étaient pas seules à subir de plein fouet la grave crise économique que l'Algérie a traversée depuis une vingtaine d'années et qui a mené à la fermeture de milliers d'entreprises nationales et locales, mettant au chômage des centaines de milliers de travailleurs. Les opérateurs privés ont également subi les conséquences de la crise et des injonctions du Fonds monétaire international (FMI) qui a entre autres exigé l'ouverture du marché algérien aux produits étrangers. Ce qui sera fatal pour de nombreux ateliers de confection textile et de fabrication de chaussures dans la mesure où les produits asiatiques en général et chinois en particulier, inonderont le marché algérien d'articles bon marché. La situation désastreuse des foyers a fait que les produits asiatiques étaient les bienvenus, le prix étant le seul critère en vogue dans la gestion du budget familial. Les répercussions de cette situation sur les ateliers de confection privés deviendront dramatiques. La majorité d'entre eux mettront tout simplement la clé sous le paillasson, privant des familles supplémentaires d'une rente pour subvenir à leurs besoins vitaux. Des dizaines de fabricants dans la wilaya de Tizi Ouzou ne survivront pas à l'invasion des produits chinois, dont la majorité de piètre qualité, proposés à des familles qui guettaient la moindre occasion de «faire une bonne affaire» soit à l'occasion des fêtes de l'Aïd, soit pour la rentrée scolaire. Deux occasions synonymes de saignée pour les familles algériennes qui n'ont pas pu échapper à l'appauvrissement qui a suivi la politique gouvernementale de rééchelonnement menée durant la décennie quatre-vingt-dix. Mais certains opérateurs privés intervenant dans le secteur du textile réussiront à survivre à la crise en misant sur le temps et surtout sur un système de débrouillardise qui ne respecte pas tellement les textes et règlements. Pour faire face à une crise qui aurait pu les emporter eux aussi, certains gérants d'ateliers de confection ont choisi de transgresser la loi à défaut de la contourner. La violation de la loi était un choix (l'unique ?) devant une situation de concurrence déloyale dont ont beaucoup souffert ces opérateurs et dont les pouvoirs publics sont en partie responsables. Responsables surtout à travers les dispositions de la réglementation qui encourageaient l'importation des produits finis et qui mettaient des bâtons dans les roues des producteurs locaux. Les producteurs vivent également mal le problème des impôts dont les responsables à Tizi Ouzou appliquent la loi dans toute sa rigueur, contrairement aux autres wilayas du pays où les services du fisc sont plutôt souples à l'égard des commerçants et des opérateurs économiques. Et cela, les propriétaires d'ateliers de confection le vivent très mal et certains d'entre eux n'ont pas trouvé mieux à faire que d'activer dans l'illégalité pour éviter de cesser leurs activités respectives. Il y a ceux qui travaillent carrément de façon illégale et leur activité n'est pas déclarée et ceux qui disposent d'une déclaration d'existence mais qui trouvent le moyen de réduire leurs dépenses avec toutes sortes de stratagèmes. Exemple : des employés non déclarés, une marchandise déclarée partiellement et un chiffre d'affaires annoncé qui ne reflète pas la réalité de l'activité figurent parmi les nombreuses ruses utilisées par les gérants d'ateliers mais aussi par d'autres opérateurs économiques dans le but de réduire leurs dépenses notamment vis-à-vis des institutions de l'Etat. L'on ne parlera pas ici des véreux qui se permettent d'exploiter leurs employés sans leur attribuer une rémunération, allant jusqu'à les licencier pour la simple raison qu'ils réclament un salaire. Ceux-là ne sont heureusement pas nombreux et leur cas ne relève pas uniquement de la question de la réglementation mais aussi de la morale et de l'éducation.«Comment voulez-vous que je déclare la totalité de mon chiffre d'affaires alors que tout est réuni pour que je déclare faillite si je le fais», dit l'un des intervenants dans le secteur qui a requis l'anonymat, précisant qu'il se contente d'assurer un salaire à ses cinq employés qu'il a choisi de déclarer à la sécurité sociale. Pour lui, «le choix qui nous est imposé est très difficile, soit nous respectons la loi dans toute sa rigueur et nous fermons boutique, soit nous violons cette même loi et nous risquons des sanctions» avant de se justifier d'une autre manière en précisant qu'il préférerait maintenir les avantages des employés que s'attarder sur ses redevances à l'égard des institutions de l'Etat. Selon un autre opérateur dans le secteur de l'habillement qui insiste sur le fait qu'il active en toute légalité, la meilleure façon de convaincre ces opérateurs de renouer avec l'activité formelle, c'est d'aider ceux qui activent dans la légalité. «L'Etat doit aider la Cotonnière de Tizi Ouzou (CTO, ex-Cotitex de Draa Ben Khedda, ndlr) à sortir de la crise et de faire en sorte que la matière première (le filet) dont ont besoin toutes les entreprises de fabrication de textile, soit réalisée en Algérie», pense notre interlocuteur qui considère cette action éventuelle de l'Etat comme la seule susceptible de rendre possible un bon rapport qualité/prix et d'en finir avec la concurrence déloyale qui sanctionne particulièrement les producteurs locaux au profit des importateurs et des fabricants étrangers. Il citera également le problème de la main-d'œuvre qualifiée que le secteur de la formation professionnelle néglige gravement, selon lui, alors que «le secteur devrait former une main-d'œuvre selon les besoins du monde du travail». M. B