Les enfants handicapés moteurs et leurs parents souffrent d'une double peine : l'infirmité est accentuée par l'exclusion. Ils étaient nombreux, hier au forum d'El Moudjahid, à répondre à l'appel de Mme Mameri Atika, présidente de la Fédération des associations des handicapés moteurs (FAHM), pour invoquer le droit à la scolarité de ces enfants. Les nombreux appels de détresse avaient tous le même goût amer. Une amertume double comme la peine infligée à leur progéniture. «Les responsables des écoles découragent les parents. Un directeur d'établissement à Boumerdès, après s'être dit ravi de discuter avec mon fils Wassil, refuse de l'inscrire dès que je lui révèle son handicap. Il me dit : ‘que ferai-je de lui si un tremblement de terre survient ?'» s'indigne le père. Que faire d'un enfant handicapé ? Cette simple question existentielle renvoie la mesure de tout le travail qui reste à faire en Algérie pour cette catégorie de citoyens. Et quand elle est posée par un cadre de l'éducation nationale, le problème devient profond. Selon les interventions des premiers concernés, les parents d'enfants handicapés déplorent le manque criant en établissements d'accueil, centres spécialisés ou simplement personnels chargés de l'orientation ou du suivi psychologique, particulièrement pour les cas scolarisables malgré le handicap, comme les enfants atteints d'infirmité motrice cérébrale (IMC). «La place de ces enfants n'est pas dans des centres spécialisés, mais dans des écoles normales», soutient Mme Mameri. «Pendant le suivi psychologique de mon enfant dans un établissement hospitalier à Alger, la psychologue ne savait pas où le scolariser. Elle n'a même pas pu nous orienter», déplore la maman d'une fille atteinte d'IMC. «J'ai dû quitter mon poste d'emploi, frapper à toutes les portes pour finalement l'inscrire dans une école privée. Pour mon enfant, le problème est réglé pour l'instant, mais je m'inquiète pour les familles démunies. Comment font-elles ?» s'interroge-t-elle encore. Selon les intervenants, c'est au cycle moyen que le problème se pose avec acuité. «J'ai dû batailler dur contre un directeur d'établissement pour pouvoir inscrire ma fille en première année moyenne. Avec force interventions, j'ai réussi à la placer. Elle suivait ses cours au niveau du rez-de-chaussée du bâtiment et termina l'année avec une moyenne de 17,47. La deuxième année, pour s'en débarrasser, le directeur ayant gardé rancune l'inscrit dans des classes au premier étage, puis au second. Ce qui est difficile pour une fille de douze ans sur chaise roulante d'y accéder. Avec l'aide de sa maman et de quelques personnels de l'établissement, elle s'y forçait. Jusqu'au jour où elle est tombée dans l'escalier. Aujourd'hui, elle est dans le plâtre jusqu'au bassin. Et je me demande pourquoi cette injustice», se lamente le père. En l'absence de statistiques officielles et efficientes, le nombre d'enfants handicapés moteurs en Algérie reste inconnu, malgré le dernier recensement de la population effectué en 2008. Une enquête a été annoncée par l'ancien ministre de la Solidarité nationale l'année dernière. D'après des statistiques universelles, les enfants ayant un IMC (cela n'inclut pas les autres handicaps) représentent 0,6/1000 nouveau-nés. Avec près de 850 000 naissances par an, l'Algérie compterait alors 510 IMC chaque année. Pour mettre un terme à cette injustice, en plus de la sensibilisation, la présidente de la FAHM préconise la formation de personnels pour la prise en charge de ces enfants, la mise en place des infrastructures nécessaires pour leur faciliter l'accès, des centres d'orientation et la construction de nouveaux centres spécialisés. «Les centres spécialisés qui existent sont surchargés. Il y a des listes d'attente de deux à quatre ans pour les inadaptés mentaux. Et puis, il faut revoir l'objectif de ces centres qui doit être l'adaptation et non pas l'isolement et la ghettoïsation», recommande Mme Mameri. Et pourquoi pas réaliser des internats au lieu des classes intégrées ? La solution est proposée par un intervenant au débat. Rappelons qu'en Algérie, le taux de scolarisation des enfants avoisine les 98%. Le pays est signataire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par la 61e session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies en 2006. S. A.