Rien ne va plus entre Pékin et Tokyo. De New York, le Premier ministre chinois a menacé Tokyo de rétorsion en cas de non-satisfaction de son exigence. C'est l'arrestation, puis l'incarcération par Tokyo du capitaine d'un chalutier chinois, début septembre, qui a mis le feu aux poudres. «Dans le cas contraire, la Chine prendra d'autres mesures.» La crise diplomatique va en exacerbant. L'arraisonnement, le 7 septembre, du chalutier chinois s'est fait près d'îlots de mer de Chine orientale revendiqués par les deux pays. La Chine n'a pas accepté la prolongation de la détention du capitaine du bateau de pêche. Proprement, Pékin suspend les contacts de haut niveau avec Tokyo et convoque par six fois l'ambassadeur du Japon. Le nombre exceptionnel de l'assignation du représentant du Japon illustre la densité de la crise. Côté japonais, le ton paraît nettement plus conciliant. Tokyo serait plus soucieux de trouver une sortie de crise avec un voisin d'importance. Il faut absolument apaiser la pire crise sino-japonaise depuis 2006. Pékin hausse le ton en indiquant que l'atmosphère entre la Chine et le Japon n'était «pas propice» à une rencontre de leurs Premiers ministres à New York. L'entrevue bilatérale entre les responsables des deux pays a habituellement lieu en marge de l'Assemblée générale. La Chine, puissance en progression continue, ne cache pas son inquiétude face à la forte présence américaine dans la région. La Chine semble décidée désormais à défendre ses prétentions territoriales de manière plus incisive. Les litiges territoriaux avec d'autres pays sont dénoncés avec vigueur. Elément nouveau selon les observateurs, «la manière de réagir contre ces humiliations parfois très anciennes». Pékin, voyant d'un mauvais œil la suprématie navale des Etats-Unis dans le Pacifique, entend jouer le rôle qui lui est naturellement dévolu en tant que puissance. La Chine se renforce militairement pour dissuader tout mauvais coup venant de l'île de Taïwan qu'elle n'a jamais reconnue comme Etat indépendant. Pékin a d'ailleurs suspendu fin janvier ses échanges militaires avec les Etats-Unis pour protester contre de nouvelles ventes d'armes américaines à l'île voisine. Pour la Chine, c'est incontestable : les Etats-Unis chercheraient à contenir sa volonté légitime d'expansion géostratégique. Et les bases militaires américaines, leur flotte et leurs alliés dans le Pacifique sont là pour conforter la position chinoise. La crise actuelle dépasse les enjeux régionaux et traditionnels entre la Chine et le Japon. La brouille entre les deux voisins reflète en filigrane les relations singulières de la Chine avec les Etats-Unis. Dans la doxa chinoise, le Japon est un valet de Washington. M. B.