Le yen tutoie ses plus hauts historiques, la Banque centrale du Japon reste sur le qui-vive. L'euro remonte à plus de 1,33 dollar. En cause, la chute du dollar. De son côté, le yuan s'apprécie doucement, mais toujours pas assez. Les Etats-Unis préparent les marchés à une intervention pour soutenir l'économie américaine. C'est en tout cas ce que l'on peut déduire du message communiqué par la réserve fédérale Fed, mardi soir, à l'issue de la réunion de son comité de politique monétaire. La Fed a rappelé que la reprise économique outre-Atlantique devrait être «modeste». Une perspective peu enjouée, mais largement anticipée et intégrée dans les stratégies des investisseurs, y compris sur le marché des changes. Mais l'incertitude demeurait sur le maintien de coup de pouce de la Fed. Réponse de la Fed : les taux d'intérêt directeurs resteront extrêmement bas pendant longtemps, et le comité est «prêt à mettre en œuvre d'autres mesures accommodantes si nécessaire pour soutenir la reprise économique et ramener, progressivement, l'inflation aux niveaux requis dans son mandat». Par ces propos, la Fed a reconnu le réel risque de déflation. Ce qui n'a pas été pour rassurer les investisseurs qui, anticipant une période de déflation, ont massivement vendu leurs dollars (la dépréciation d'une monnaie stimule la hausse des prix). Le dollar a ainsi littéralement chuté dès 20 heures. «En résumé, le communiqué de la Fed rappelle aux investisseurs que le scénario en W existe avec un risque de déflation. Si ces risques augmentent, la banque centrale agira pour soutenir l'économie, mais pour l'instant, elle attend», commentent les analystes d'Aurel BCG. Mécaniquement, les autres devises et métaux libellés en dollars ont explosé. L'euro est ainsi passé en une heure de 1,313 à 1,325 dollar, puis a continué sa hausse pour atteindre 1,33 dollar dans la nuit. La monnaie européenne s'est stabilisé hier matin. Un tel niveau, qui avait été approché début août, n'a pas été atteint depuis fin avril, alors que la devise tremblait avec les problèmes de dettes souveraines en Europe. Idem face à la livre sterling qui a bondi. Le billet vert a aussi décroché face à la devise nippone, tombant à 84,92 contre 85,02 yens la veille. De son côté, la Banque centrale du Japon (BoJ), qui a déjà agi pour tenter d'enrayer la hausse de sa monnaie, a laissé entrevoir une nouvelle intervention sur le marché des changes. Le yen, au plus haut depuis plus de quinze ans face au dollar, pénalise les entreprises exportatrices, moteur de l'économie nipponne. Le franc suisse a subi la même flambée avec un taux de change dollar/franc suisse qui a de nouveau cassé la parité : il faut moins d'un franc suisse pour avoir un dollar. A 0,9927 franc suisse pour un dollar, c'est le niveau le plus haut atteint par la devise suisse face au billet vert depuis avril 2008. En Australie, le dollar australien (AUD) a touché un plus haut depuis vingt-six mois contre le dollar américain (USD), à 0,9568 USD pour un AUD. La monnaie chinoise continuera de s'apprécier petit à petit. Mardi, le yuan a atteint un de ses plus hauts niveaux depuis 1993 à 6,7082 yuan pour un dollar. Cette hausse du renminbi, autre nom de la monnaie chinoise, intervient alors que le président américain Barack Obama a estimé, lundi dernier, que Pékin n'avait pas fait tout ce qu'il fallait pour laisser sa monnaie s'apprécier suffisamment. Un reproche qui avait déjà été formulé par le secrétaire au Trésor Timothy Geithner début septembre. Le président américain Barack Obama et le premier ministre chinois Wen Jiabao doivent s'entretenir cette semaine à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Selon l'économiste Paul Krugman, la Chine maintient délibérément sa devise à un niveau artificiellement bas. «Dans les faits, Pékin taxe les importations et subventionne ses exportations, alimentant ainsi un énorme excédent commercial», explique-t-il, déplorant que «dans une économie mondiale en crise, tout pays qui a recours à une telle pratique prive les autres de transactions et d'emplois dont ils ont cruellement besoin». D'après un financier américain, Jim Chanos, dont le fonds spéculatif parie sur l'éclatement d'une gigantesque bulle spéculative dans l'immobilier en Chine, le yuan pourrait même se déprécier. Le spécialiste pense, en effet, que le pays va injecter massivement des yuans dans l'économie pour remettre de la liquidité et pour soutenir la construction, qui représente 60% du PIB chinois. R. E.