Au vu des résultats de l'élection présidentielle américaine du 2 novembre dernier, doit-on s'inquiéter de la poursuite du déficit américain par le gouvernement de M. Bush avec pour conséquence directe la baisse du dollar ? Effectivement, cette tendance lourde du dollar à la baisse est préoccupante. En 2004, le déficit de la balance courante américaine est de plus de 600 milliards de dollars, et le déficit budgétaire est de l'ordre de 445 milliards de dollars. Ces déficits sont considérables car, pour les financer, les Etats-Unis doivent emprunter chaque jour ouvrable 2,5 milliards de dollars, ce qui représente les trois quarts de l'épargne internationale. Et le déficit courant américain pourrait atteindre 1000 milliards de dollars d'ici à 2010. Face à un dollar faible, la valeur de l'euro est en hausse. Les importations libellées en dollars sont donc moins chères pour l'Union européenne (UE), mais le prix de ses exportations augmente. L'euro fort est-il un poids pour l'UE ? Tout à fait. Aujourd'hui, la croissance européenne atteint à peine les 2%. Or une nouvelle appréciation de l'euro produirait une nette pression. Et la diminution de la facture pétrolière en dollars ne sera pas à la hauteur des inconvénients qui résulteraient d'une hausse de l'euro. Cette situation serait difficilement acceptable pour les pays européens. Il faut également tenir compte des monnaies asiatiques (yuan chinois ou yen japonais). Car ces pays ont passé un « deal » avec les Etats-Unis : « Vous achetez nos produits asiatiques et nous finançons votre déficit. » En 2003, 64% du déficit américain étaient comblés par l'achat de titres par les banques asiatiques. Et l'euro paie les frais de cet ajustement. Cette situation est difficilement tenable, pour ne pas dire intenable. Quelles sont les solutions pour les pays de la zone euro ? Le gouvernement américain affirme périodiquement : « L'Amérique veut un dollar fort. » Or le gouvernement de M. Bush a décidé, me semble-t-il, de laisser baisser le dollar. La marge de manœuvre de l'UE est donc très réduite. La Banque centrale européenne (BCE) doit d'abord affirmer clairement : « Nous n'accepterons pas une appréciation de l'euro au-delà de son cours d'équilibre. » En matière de taux de change, les petites phrases ont leur importance, tant en Europe qu'en Amérique... La BCE ne veut pas baisser ses taux d'intérêt, car sa mission première est la lutte contre l'inflation. De plus, pour certains pays comme l'Espagne ou la Finlande, ce taux est déjà trop bas. La BCE doit donc conserver l'écart actuel entre les taux américains et les taux européens. L'Europe pourrait aussi décider d'acheter des dollars afin que sa valeur s'apprécie sur le marché des changes. Pour inverser la tendance, les quantités devraient être énormes. Ces interventions doivent donc être coordonnées. L'Union européenne peut-elle accepter d'être indéfectiblement liée aux errements du déficit américain ? Entre une augmentation du prix de ses exportations et le financement du déficit américain, l'Asie doit choisir entre deux maux. Et elle penche pour le second. L'Europe, les Etats-Unis et les pays asiatiques doivent coordonner leur intervention. Cette solution doit être explorée d'urgence. Nous nous rapprochons d'une situation de grande urgence monétaire internationale. Il faut rapidement réunir une conférence monétaire internationale, sur le modèle de la conférence du Plaza de 1985. Cette conférence monétaire internationale devra donc tenir compte des intérêts des pays dont les monnaies dominent le système monétaire international (UE, Etats-Unis, Chine, Japon...), mais également des pays en voie de développement, contrairement à ce qui se faisait auparavant. Quelle est la responsabilité de l'Europe vis-à-vis de ses partenaires ? Je crois que les partenaires de l'Union européenne, notamment du Maghreb, doivent éviter de se lier trop strictement à l'euro. L'« euroïsation » de leur monnaie serait une erreur. La voie de la sagesse est dans un système mixte : une relation majoritaire avec l'euro, mais qui ferait également intervenir le dollar.