Régulièrement, les chefs d'état-major des pays de la bande sahélo-sahélienne se réunissent pour évoquer inlassablement l'adoption d'une stratégie commune de lutte contre l'insécurité et le terrorisme. Mais sur le terrain des opérations, cette coopération régionale tarde visiblement à se concrétiser. L'Algérie, le Mali, la Mauritanie, le Tchad, la Libye, le Burkina Faso et le Niger, qui se partagent ces vastes plateaux désertiques, doivent pourtant coordonner, au plus vite, leurs efforts pour freiner la prolifération des groupuscules djihadistes qui se revendiquent de l'AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique). Profitant de la confusion qui y règne, ces groupes terroristes persistent dans leur «spectaculaire» besogne, en multipliant les actions de kidnapping, ciblant des humanitaires, des coopérants et des travailleurs étrangers –notamment européens-, pour exiger de substantielles rançons contre leur libération. L'organisation terroriste vient, encore une fois, de prendre en otages 7 employés de l'énergéticien français Areva au Niger. Une opération qui a fait tiquer plus d'un, sachant la surveillance particulière assurée 24h/24 autour des sites de cette entreprise. Des voix autorisées parlent déjà de complicités et de connivences au sein même des services de sécurité déployés sur place.Ce business de la terreur rapporte gros et emploie toute une faune de mercenaires, d'anciens rebelles reconvertis dans la sous-traitance des enlèvements, de trafiquants d'armes et de drogue et d'intermédiaires grassement rémunérés. Selon les estimations du ministère algérien des Affaires étrangères, l'argent des rançons constitue 95% du financement des actions terroristes de l'AQMI, et milite en conséquence pour la criminalisation du payement de ces «dîmes» en faisant preuve de fermeté à l'endroit des ravisseurs. S'adressant récemment à des partenaires européens, Abdelkader Messahel, le ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines a longuement plaidé pour la pénalisation du payement des rançons à l'échelle mondiale. S'agissant de la sécurisation de la région du Sahel, Messahel estime, et à juste titre, que les Etats de la région en ont exclusivement la responsabilité. «Le retour de la paix et la stabilité dans la région se fera grâce à des capacités que les Africains eux-mêmes peuvent développer. La lutte contre le terrorisme est l'affaire de tous. Chacun a un rôle à jouer. La communauté internationale peut jouer un rôle de soutien logistique et de formation», a-t-il dit. Mais de nombreux facteurs retardent encore une réelle coordination entre ces Etats. Aujourd'hui, on constate que l'armée mauritanienne – sans véritable connaissance du phénomène - se lance souvent seule à la poursuite de ces groupes extrêmement mobiles et, dans sa course folle, ne s'encombre d'aucune limite territoriale. Ceci n'est pas sans froisser l'humeur des pays riverains. Curieusement, ce même pays adopte une attitude plutôt conciliante à l'égard de ses propres djihadistes qui bénéficient épisodiquement de grâces présidentielles et de remises de peines. Le Mali, de son côté, tergiverse et se plie parfois au diktat des terroristes en libérant, lui aussi, des éléments extrêmement dangereux sous la pression de forces étrangères. A titre de rappel, pour délivrer l'espion français, Pierre Camatt, les autorités maliennes avaient relâché, au printemps dernier, quatre dangereux terroristes de l'AQMI. L'ingérence étrangère est aussi vivement ressentie au Tchad et au Burkina Faso.Les connexions de certains régimes locaux avec les rebellions qui secouent des pays voisins enveniment également les rapports entre les uns et les autres. C'est notamment le cas de la position libyenne par rapport aux révoltes récurrentes des Touaregs. Ce climat de suspicion empêche évidemment l'instauration de la confiance nécessaire à un réel partenariat sécuritaire dans cette zone pauvre et sous-développée. Les sept pays, qui se partagent la souveraineté dans cette sous-région, sont aujourd'hui sommés de s'entendre sérieusement pour la sécuriser à défaut de quoi d'autres puissances s'en chargeront à leur place et à leurs dépens. De toute évidence, le salut de l'ensemble sahélo-saharien dépend de sa capacité à assurer sa propre sécurité, en prélude au développement économique et social qu'il se doit d'impulser. Il ne suffit pas de verrouiller cet espace devant les menaces terroristes et extérieures qui le guettent, il faut, en parallèle, travailler dur pour mettre en valeur ses richesses et ses potentialités au profit des populations locales qui vivent souvent dans une extrême précarité. K. A.