Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili «Constantine ne détient pas un art spécifique à la fabrication artisanal de bijoux.» Notre interlocuteur qui a désiré rester anonyme est l'un des rares sinon le plus actif des artisans courtisés par la Chambre des arts et métiers de la wilaya. Effectivement, il n'est pas connu une activité précise dans la fabrication artisanale de bijoux et autres colifichets, exception faite de l'imitation de l'art berbère en la matière même si la population constantinoise est réputée pour sa propension, voire sa dimension relationnelle avec l'orfèvrerie mais seulement le bijou de port «officiel», celui exhibé au cours des fêtes pompeuses connues de la région. Pour Allal Dj., expérimenté dans la dinanderie d'art, «les bijoux que vous évoquez ont été très à la mode au cours des années 60-70 et paradoxalement s'ils l'ont été, ce n'est pas en raison d'un engouement culturel de nos compatriotes pour un art du terroir mais parce que celui-ci nous revenait de l'étranger où justement ces bijoux étaient très prisés par les touristes qui visitaient par milliers notre pays et qui retournaient chez eux, les valises remplies du produit en question. En plus, ils avaient le choix entre l'art berbère, qui était sans doute le plus prisé et l'est jusqu'à nos jours dans la mesure où c'est le seul qui fleurit encore, et le mozabite». C'est le premier artisan qui a une échoppe dont il assure la suite de l'activité dans un cadre familial : «Je le fais par respect à mes parents, et plus particulièrement mon frère qui en a fait en ce qui le concerne un sacerdoce, sinon très franchement ce métier ne nourrit plus son homme. Tout ce que vous voyez dans mes vitrines a été importé. Alors vous devez facilement comprendre les raisons pour lesquelles je suis désabusé en parlant de cette activité. Je vends un bijou berbère qui est fabriqué à l'étranger ! N'est-ce pas quand même déprimant ?» Quid alors du métier à Constantine ? «A Constantine, disons que nous avons une exclusivité, c'est en matière de fabrication artisanale edu bijou, ce que l'on appelle le filigrane, c'est un modèle spécifique sur lequel sont agencés tous les types de bijoux auxquels on souhaiterait donner une origine constantinoise. De toutes les manières, même si les professionnels voulaient se remettre en orbite, ils ne le feraient pas en raison du coût de la matière : le cuivre rouge ou l'argent. Ces deux produits coûtent cher et sont indisponibles sur le marché. Ceux qui s'obstinent à activer y arrivent en obtenant du cuivre rouge grâce à des relations qu'ils peuvent avoir au sein d'une société nationale qui n'a rien à voir avec l'artisanat et pour l'autre produit, en l'occurrence l'argent, les artisans choisissent l'option de l'achat-revente de produits importés fabriqués industriellement parce que cela revient nettement moins cher et les bénéfices sont quand même plus consistants. Un bijou, un vrai en argent, coûterait à la vente dix fois plus cher que le coût d'acquisition des matériaux le composant. Au moment où justement une parfaite réplique mais en toc serait disponible pour roupie de sansonnet dans n'importe quel magasin ou chez des vendeurs ambulants.» Allal Dj. le dinandier conclut : «Ce sont en fait tous les métiers artisanaux qui sont partis à vau-l'eau. La crise mondiale a aussi frappé de plein fouet la corporation, les matériaux de base étant aujourd'hui une monnaie d'échange stratégique au coût très important. Les conséquences ne pouvaient que rejaillir sur le métier. Des dizaines de nos collègues font maintenant autre chose même s'ils ont des mains d'or. C'est malheureux, mais c'est ainsi.»