Photo : S. Zoheïr Par Wafia Sifouane Filmé clandestinement à l'aide de caméras cachées par une équipe de journalistes, le court métrage El Problemo (le problème) qui retrace la lutte du peuple sahraoui, projeté jeudi dernier à Londres, a suscité de fortes réactions du public à la fois ému et indigné. Primé par l'ONG Amnesty International en 2010 à San Sebastian, cette œuvre cinématographique a retransmis en direct les horreurs infligées par l'armée et la police marocaines au peuple sahraoui luttant pour son autodétermination.Parmi les scènes marquantes du film, celle d'une manifestation pacifiste observée par les Sahraouis et sauvagement réprimée par la police. Du sang partout, des enfants piétinés, des femmes traînées par terre et battues …des images choquantes dont de nombreuses personnes dans le public n'ont pu supporter l'atrocité. Le court métrage a également donné la parole à des anciens détenus de l'armée marocaine. «J'ai passé 25 ans dans les geôles marocaines et je suis sans doute le plus ancien détenu politique d'Afrique après Nelson Mandela», dira Mohamed Ould Mokhtar. «Ce que fait le Maroc sur nos territoires est une violation permanente des droits de l'Homme», ajoutera-t-il. Les témoignages des Sahraouis qui interviennent dans ce film évoquent tous «la complicité de l'Espagne, qui a signé des accords avec le Maroc pour exploiter les ressources naturelles du Sahara occidental». Ils pointent également un doigt accusateur sur «le silence de la France», le pays, disent-il, «soi-disant de la liberté, de l'égalité et de la fraternité et qui œuvre à ce que les massacres du Sahara occidental soient tus». D'autres citoyens s'indigneront devant la caméra face au silence de plusieurs nations. «Aucun pays au monde ne s'intéresse à nous, à l'exception notoire de l'Algérie qui soutient courageusement une cause juste», diront-ils.Pour sa part, la célèbre militante Aminatou Haider dira : «Nous sommes complètement isolés du monde.» «Pour le Maroc, le fait d'être Sahraoui est déjà un délit», ajoutera la militante sahraouie. Elle reviendra aussi sur les conditions de détention dans les prisons marocaines en dévoilant des «viols systématiques des femmes et filles sahraouies par les soldats» marocains et d'«arrestations, disparitions, tortures et humiliations au quotidien».Le film montre aussi la présence des soldats marocains à l'intérieur des écoles sahraouies, et fait un zoom sur le visage blême d'un enfant terrorisé par la vue, dans sa classe, d'hommes armés et en uniforme. Cette violence de l'armée d'occupation marocaine et du régime marocain contraste totalement, dans le film, avec la position pacifique du Sahara occidental qui est résumée dans cette phrase du président de la RASD : «Le peuple du Sahara occidental est un peuple démocratique, épris de liberté et de paix, nous rejetons toute forme de violence.»Sur le plan militaire, El Problemo retrace l'historique de la lutte du Front Polisario sur le terrain, affirmant que la guerre, même si elle n'est pas déclarée, coûte au Maroc 3 millions de dollars par jour.Le débat, qui a suivi la projection de ce film d'une quarantaine de minutes, a été particulièrement instructif du fait que la plupart des personnes qui se trouvaient dans la salle connaissaient un tant soit peu le problème sahraoui. Au-delà de l'émotion qu'a suscitée le court métrage, les images ont su toucher les spectateurs dont la majorité a exprimé leur soutien pour le peuple sahraoui. Encore une fois, le cinéma a triomphé en retransmettant les maux de toute une nation dans l'espoir de sensibiliser le monde et de l'humaniser.