Photo : Nasser Hannachi De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les soirées du 4ème Festival du malouf se poursuivent au Théâtre régional de Constantine. Le froid tombé sur la ville dans la soirée de lundi dernier a été tempéré mélodieusement à l'intérieur de l'odéon par la voix sublime, tout simplement majestueuse, de l'artiste marocain Benis Abdelfateh ! Les mélomanes présents ont fortement applaudi la maestria de cette troupe menée par ce vocaliste hors pair. «On fait de la musique andalouse et du mouwashah», devait nous dire l'artiste dans sa loge à quelques minutes de son entrée sur scène. Questionné sur une éventuelle similitude entre sa musique et le malouf constantinois, Benis soutiendra : «Ce sont deux musiques différentes de par les formes et les rythmes.» Une différence qui a laissé le théâtre haletant durant cette prestation. Vêtu en habits traditionnels du royaume, le groupe entamait le répertoire sur un ton fort, tant les trois violons, le rebab, soutenus par un fond de violoncelle «médiéval» tantôt contemporain… accompagnaient à l'unisson les cordes vocales de Benis nuancées à la perfection, et les chœurs y ajoutaient un contrepoint qui agrémentait la première nouba interprétée, celle d'El Rasd. Il y avait en plus de la voix une maîtrise instrumentale impressionnante. Les passages entrecoupés par des phrasés au violon et au luth en remettaient au tempo de l'animation. Un véritable délice andalou qui a fait de l'ombre au malouf… le temps d'une soirée. Pour demeurer assurément dans l'aria qui porte le nom du festival, Benis interprète un «istikhbar» qui laissera l'assistance subjuguée ! D'autant qu'il ponctue ses finish par «l'Algérie et Constantine». «S'il voulait s'attaquer au répertoire des chouyoukh constantinois, le maalouf serait… exploré autrement», lâchait en sourdine un mélomane. Natif de Fès et issu d'une famille conservatrice du patrimoine «soufi» et de l'andalou, l'artiste aura cumulé beaucoup de distinctions au Maroc. Il s'est illustré sur des scènes prestigieuses à Paris, à l'opéra du Caire, et il est allé animer Central Park à New York en chant andalou pour mettre en veilleuse la musique folk américaine. A cappella, Benis pourrait remplir sans conteste toutes les salles de concert ! Par ailleurs, tradition oblige, voire règlement du festival, la première partie de la soirée a été consacrée au chanteur local Zaza classé 2ème lors du dernier Festival national du malouf (2010). Il a offert une prestation purement locale entamée par un «bachraf» plongeant du moins le théâtre dans une ambiance de fête familiale. Loin de la dimension internationale conférée à cette manifestation, l'appellation figée de festival de malouf devrait être revue. Oscillant sur des registres «disparates» se limitant au Constantinois avec des teintes internationales arabes, le festival s'échappe de son contexte. Un terme plus large et donc rassembleur dans une partition «open», à savoir festival «arabo-andalou» pourrait mieux le justifier. Sinon le commissariat aurait failli à sa mission après avoir mis l'accent sur la nécessité de préserver son authenticité. Malouf ou andalou ? Disons de la musique… en attendant un substitut allant de concert avec les aspirations des organisateurs.