Photo : N. Hannachi De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La musique turque a transporté le public aux airs de la période ottomane jusqu'aux arrangements du 20e siècle. Fort nombreux, le public venu assister à cette maestria du festival sera ébloui par les pincées du virtuose du qanun Halil Karaduman. En effet, le Théâtre régional a épuisé toutes ses places pour la première fois et ce, depuis le début du festival. L'artiste fera son apparition sous un tonnerre d'applaudissements. Avec son anglais à peine compréhensible, il saluera les mélomanes magistralement non pas avec des paroles et des gestes, mais en lui offrant au qanun un prélude du terroir algérien, Qom tara. C'est cette ouverture musicale qu'il a choisie pour entamer son concert. Le prélude sera suivi du Bashraf el kebir, une œuvre qui mettait en relief l'art de la musique andalouse harmonisée au qanun et avec ses propres techniques d'interprétations. «C'est Mohamed Saadaoui qui m'avait transcrit cette œuvre et me l'a rapportée en Turquie. Dès lors, je me suis attelé à travailler pour vous interpréter ce que je viens de jouer», expliquera M. Halil. Ainsi, le malouf, comme le bashraf, aura franchi les barrières pour aller se colorer musicalement avec le doigté agile de l'artiste turc, et tel un boumerang, la partition une fois retravaillée est revenue bercer les mélomanes à Constantine dont le pionnier incontestable du malouf El Hadj Mohamed Tahar Fergani qui n'a pas caché son étonnement et son plaisir devant cette interprétation. En deuxième partie du programme, les mélomanes écouteront des morceaux du terroir turc fortement applaudis par la diva Sonia M' Barek qui tendait l'oreille depuis les balcons du TRC. Inlassable, l'artiste associera également sa voix à l'instrument pour fredonner des airs turcs accompagnés au violon et au luth sous une percussion au temps approprié. La troupe d'Istanbul a ramené avec elle une voix. Celle d'Oya Isboga qui est illustrée en interprétant le répertoire classique de son pays et par là même rester dans le contexte, voire la thématique du festival consacrée aux voix féminines. Et le terroir algérien rappellera encore Karaduman ! En effet, cette fois-ci, il élargit son prélude joué au début du spectacle : Qom tara sera exécuté par l'ensemble, associant quelques voix du public. «Cette seconde version orchestre de l'œuvre algérienne est mixée avec Sama'i – une pièce turque servant de prélude- dans un mode bien défini», devait nous dire Karaduman après le spectacle ayant reçu le trophée du festival des mains de Mohamed Tahar Fergani qui a lancé quelques refrains toujours «ténors» au grand bonheur des spectateurs. En ce qui concerne la prestation nationale lors de cette soirée, elle a été représentée par l'association Errachidia de la musique andalouse venue de Mascara. C'est dire l'élargissement de la sphère du malouf qui s'est étendu à d'autres régions du pays bien qu'elles soient éloignées de son fief constantinois. Créée en 1999 par un groupe de mélomanes, cette association s'est déjà frayé un long chemin si l'on tenait compte de son éloignement du fief et du peu d'encadrement qui y existe pour le perfectionnement de ses éléments. Errachidia n'a rien à envier aux troupes locales. Elle a d'ailleurs remporté le deuxième prix lors du Festival national en juin dernier après avoir brillé à Alger, en 2007 et en 2008, dans le Festival de la Sanaa. Notons, enfin, qu'en marge de cette manifestation universelle, des séminaires se tiennent quotidiennement l'après-midi au TRC. Hier, la musicologue algérienne Maya Saïdani, spécialiste du malouf, devait animer une conférence-débat aux côtés de la Tunisienne Sonia M' Barek. Cependant, un empêchement de dernière minute le privera d'assister à la rencontre. Sur un autre plan, signalons la faible présence des initiés locaux à ces conférences…