Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La négligence dont se sont rendus coupables les pouvoirs publics à l'encontre du livre et de la lecture se voit aussi dans le nombre de bibliothèques existantes à travers le territoire national et surtout le contenu de celles-ci en matière de quantité et de qualité des ouvrages qu'on y trouve. En effet, la rareté des bibliothèques en Algérie est tellement criante que les gens se demandent si l'Etat a réellement mis en place une politique du livre ou s'il navigue à vue dans ce secteur. Pourtant, toutes les grandes nations ont bâti leur civilisation sur le savoir, à commencer par le livre et l'amour de la lecture. Et la wilaya de Tizi Ouzou ne sort pas du lot dans ce domaine puisque les quelques bibliothèques encore ouvertes souffrent de leur pauvreté en matière d'ouvrages, en quantité et en qualité. Il est indéniablement loin le temps où les bibliothèques communales étaient nombreuses à travers les localités de la wilaya à servir les citoyens désireux feuilleter des bouquins sur place ou les emprunter pour une durée limitée afin de se permettre une lecture entière chez eux. Il est vrai que les anciennes bibliothèques communales étaient dirigées à l'époque du parti unique de la même manière qu'était dirigé le pays, c'est-à-dire que les livres et les différents ouvrages disponibles faisaient l'objet d'une surveillance politique qui interdisait d'innombrables ouvrages intéressants ou qui n'entraient pas dans le carcan politique du régime. Ces bibliothèques avaient le mérite d'exister même si elles offraient peu de lecture aux populations locales, d'autant plus que dans de nombreuses situations, des villageois, dont de nombreux lycées et collégiens, n'étaient pas obligés de faire des déplacements de dizaines de kilomètres vers le chef-lieu de la wilaya pour consulter des ouvrages et des livres.Aujourd'hui, les lacunes de l'époque ont été aggravées par la négligence des pouvoirs publics et la crise économique qui a fait du livre un produit de luxe inaccessible aux petites bourses ni aux classes moyennes d'ailleurs. Les bibliothèques communales ont été tout simplement fermées l'une après l'autre jusqu'à ce qu'il n'en reste aucune dans cette wilaya qui a enfanté d'illustres hommes de lettres, à l'instar de Mouloud Mammeri et Mouloud Feraoun. Au point où la lecture est devenue un produit très sélect, réservée à une petite minorité qui a soit les moyens de s'offrir des livres, soit un amour fou de la lecture qui le conduit à se priver de nombreuses autres choses de la vie pour s'offrir des bouquins. Et quand on sait que l'école algérienne ne fournit pratiquement aucun effort particulier dans l'objectif de faire aimer la lecture aux écoliers, il est certain que les amoureux du livre et de la lecture ne peuvent être assez nombreux pour former une équipe de football. Et les bibliothèques communales réactualisées dans le but de faire disparaître les lacunes d'antan auraient pu jouer un rôle intéressant dans la promotion du livre et de la lecture, en mettant à la disposition des lecteurs de tous âges des ouvrages que l'on ne trouve pas à des prix accessibles sur le marché.En somme, ceux qui ne peuvent se permettre d'acheter des livres hors de prix pourront toujours les emprunter dans les bibliothèques communales les plus proches de leurs domiciles. Même les anciens bouquinistes qui proposaient des échanges ou même des locations de livres à moindres prix ont disparu du paysage, alors qu'ils aidaient beaucoup les lecteurs à maintenir leurs habitudes. Malheureusement la question des bibliothèques communales risque de ne pas connaître une solution dans la mesure où il faudra une convergence de volonté et d'énergie pour réussir à remettre sur selle ces institutions susceptibles de relancer la promotion du livre et de la lecture. Et depuis le début de la crise, il n'y a que la commune de Draa Ben Khedda qui a décidé, il y a une dizaine d'années environ, de transformer sa boulangerie communale en une bibliothèque du même nom.C'est une reconversion, il faut le dire, qui va à contresens de tout ce qui se passe aujourd'hui, dans la mesure où l'on voit plus souvent la transformation de librairies et de bibliothèques en commerces de consommation que le contraire. Une bibliothèque somme toute modeste mais qui a le mérite d'exister. Les pouvoirs publics ont les moyens de l'aider pour qu'elle puisse devenir un fer de lance de la promotion du livre et de la culture et provoquer, pourquoi pas, un effet boule de neige auprès des autres communes de la wilaya. Pour résumer la problématique des bibliothèques communales dans la wilaya de Tizi Ouzou, la rareté de ce genre d'institutions reste déconcertante, alors que la pauvreté en ouvrages et en moyens de celles qui existent est révoltante.