Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La lecture n'a pas encore récupéré son statut de culture dans notre pays. Autant les jeunes de l'ancienne génération (de l'après-guerre d'indépendance et même peu après) aimaient la lecture, autant ceux d'aujourd'hui ne se sentent nullement concernés par cet aspect important de l'instruction. Cet épineux problème n'est pas seulement un souci pour le développement cognitif et intellectuel de l'enfant, mais aussi pour l'éditeur qui n'arrive pas à écouler les œuvres qu'il édite. Ce qui le pousserait à revoir la quantité de livres à tirer à la baisse, non sans être conscient que cela augmenterait le prix du bouquin dans les librairies. Cela dans le cas où le prix élevé des livres est le seul paramètre qui décourage les citoyens à les acheter. Mais, il est clair que ce n'est pas le cas. Les parents et l'école ont une grande part de responsabilité dans le refus des enfants de s'adonner à la lecture et de l'apprécier. L'école plus que les parents, si l'on prend en considération le pouvoir d'achat de ces derniers. C'est l'avis de M. Ali Oubellil, directeur des éditions l'Odyssée, à Tizi Ouzou, qui signale le problème de l'écoulement des œuvres éditées. «Je ne parle pas seulement des particuliers, mais plutôt des écoles et des administrations», dit notre interlocuteur, non sans préciser que la lecture doit commencer dès le jeune âge, ajoutant que «les établissements scolaires devraient se doter de bibliothèques qui seront mises à la disposition des écoliers afin de leur apprendre à aimer la lecture». En effet, un enfant qui n'est pas encouragé à lire durant sa scolarité ne saura pas se mettre à la lecture de sa propre initiative à l'issue de son cursus scolaire. «Un enfant qui apprend à lire à l'école verra la lecture comme un acte naturel quand il sera adulte», précise encore le directeur des éditions l'Odyssée, qui ne manquera pas de dire son admiration devant des enfants fréquentant les écoles privées où justement la lecture est encouragée. «J'ai été agréablement surpris par certains enfants de six ou huit ans qui disent avoir lu certains grands classiques de la littérature», déclare avec émerveillement notre interlocuteur, en parlant de la passion de ces enfants pour la lecture. Une passion quelque peu estompée depuis la promulgation de la nouvelle réglementation régissant les écoles privées qui semble avoir freiné cet élan. En somme, les administrations et les écoles sont appelées à acheter des livres au profit des enfants pour leur inculquer l'amour de la lecture. Cela aidera également les éditeurs à écouler leurs produits et maintenir les prix à un niveau abordable, puisque, selon nombre d'éditeurs, le prix augmente à l'impression selon le nombre de copies tirées. «Plus on tire des copies, plus le prix baisse à l'imprimerie», affirment certains éditeurs et même des libraires exerçant dans la wilaya de Tizi Ouzou qui rappellent que certaines œuvres restent cependant très abordables en matière de prix, notamment de nombreux romans algériens et étrangers édités notamment par l'Entreprise nationale des arts graphiques (ENAG) qui coûtent rarement plus de 100 dinars. Un constat confirmé dans certaines librairies de la ville des Genêts où de nombreux livres sont proposés à des prix défiant toute concurrence. Il est évident que de nombreux autres titres restent inaccessibles aux petites bourses, notamment les étudiants, qui en ont cruellement besoin. Il s'agit bien évidemment des livres scientifiques et technologiques édités à l'étranger qui restent hors de portée de la majorité des Algériens. Mais aussi certains titres de littérature également édités à l'étranger, particulièrement en France, et proposés en Algérie à des prix exorbitants en raison des droits importants payés par les éditeurs algériens. Des éditeurs ne comprennent pas pourquoi certains auteurs algériens signent des contrats avec des éditeurs français en y incluant la vente dans leur propre pays. Surtout que les éditeurs de l'Hexagone ne se gênent nullement pour proposer des droits très élevés aux éditeurs algériens pour la commercialisation de ces œuvres en Algérie. «Parfois, certains éditeurs français refusent carrément la vente des droits pour je ne sais quelle raison», dit un jeune cadre d'une maison d'édition de Tizi Ouzou qui a requis l'anonymat. C'est pour cela que de nombreuses œuvres sont piratées et proposées à des prix abordables dans les librairies de Tizi Ouzou et des autres wilayas du pays. Il citera de nombreux titres pour étayer ses dires et la confirmation viendra dans certaines librairies où certains livres sont effectivement piratés et proposés au tiers de leur prix «légal». Les éditeurs regrettent par ailleurs que les lecteurs ne se donnent pas la peine de découvrir les jeunes nouveaux auteurs qui se sentent quelque peu obligés d'aller en France pour acquérir la notoriété pour que les gens les reconnaissent et achètent leurs œuvres en Algérie.