Les autorités africaines pensent maintenant que les footballeurs africains nés en territoire étranger, liés de près ou de loin au pays, peuvent être utiles à l'épanouissement d'une nouvelle génération dans leurs pays respectifs. Le problème, à ce niveau, demeure la volonté et la fibre patriotique des joueurs ciblés. Ne connaissant pas l'exigence des supporters, ces binationaux peuvent ne pas accorder une grande importance à l'enjeu. Pour des raisons d'intérêts, certains, après avoir échoué dans la tentative de jouer pour leur pays natal, acceptent le second choix qui est leur pays d'origine. Si certains joueurs de dimension internationale ont tourné le dos au pays de leurs ancêtres, d'autres ont carrément refusé l'appel du cœur, D'autres encore, certes moins brillants mais formés dans les meilleurs centres de formation français, ont profité d'un changement de la loi Fifa sur les nationalités sportives. Le 3 juin 2009, à Nassau (Bahamas) et sur proposition de la Fédération algérienne, présidée par Mohamed Raouraoua, l'organisation internationale amende l'article 18 de son règlement d'application des statuts. Un joueur disposant de la double nationalité peut maintenant changer d'équipe nationale sans limite d'âge, s'il n'a été sélectionné qu'en catégories jeunes. Avant, il devait se décider avant un fatidique 21e anniversaire. La décision est prise par 112 voix contre 82. Mohamed Raouaoura, président de la Faf, très écouté par ses pairs, a rallié à sa cause nombre de dignitaires asiatiques, sud-américains et africains. Mais l'effet d'aubaine a beaucoup profité aux pays d'Afrique surtout qu'ils comptent le plus gros contingent de binationaux éparpillés à travers le Vieux Continent, notamment l'Algérie qui a bénéficié des services de joueurs de talent au sein des équipes françaises pour étoffer son groupe. Les Hassen Yebda (Napoli série A Italie, 25 ans), Habib Bellaïd (Sedan LP2 France, 24 ans), Djamel Abdoun (Cavala Grèce, 24 ans) ou Carl Medjani (AC Ajaccio, 24 ans), fleuron des catégories jeunes françaises, échangent l'hymne national français contre Kassamen. Fenêtre sur ces binationaux qui frappent à la porte de sélections nationales Quelles sont les motivations qui poussent les joueurs à rejoindre les sélections de leur pays d'origine ? Pur opportunisme ou véritable phénomène identitaire ? La question mérite d'être posée. Approchés par le passé, nombre de joueurs binationaux avaient préféré attendre avant d'opter pour leur pays d'adoption. Ce sont tous des joueurs de talent dans les différents pays où ils évoluent. Leur ascension fulgurante les a rapidement mis sous le feu des projecteurs. Les recruteurs des clubs les plus prestigieux sont à leurs trousses, mais leur faire porter le maillot de leur pays d'origine semble peine perdue. On peut citer Adil Rami (équipe de France A), Ibrahim Afellay (Pays-Bas), Marouane Fellaïni (Belgique), Karim Aït Fana (France) dont aucun d'eux ne joue actuellement pour la sélection marocaine. Leur décision d'opter pour leur autre nationalité fait évidemment le bonheur de nombreuses sélections européennes.Les binationaux, ces enfants d'expatriés, nés ou ayant grandi à l'étranger, et qui possèdent à la fois la nationalité du pays de leurs ancêtres et celle de leur pays d'accueil, peuvent revenir suite à la nouvelle loi du football qui a aboli toute limite d'âge (jusqu'alors fixée à 21 ans,) et opter pour une autre sélection. Cette mesure s'adresse aux binationaux, et devrait permettre à ceux qui disposent de la double nationalité et qui n'avaient pas fait de choix avant 21 ans, de jouer pour l'équipe nationale de leur choix. Et ils sont légion. Les joueurs ayant déjà participé à des matches officiels en sélection «A», ne sont pas concernés par cette nouvelle disposition.Ce réaménagement du règlement de la Fifa profite aux pays africains Mais, ici, il faudrait s'attendre à une ruée en équipes nationales africaines. Cette situation pourrait faciliter la reconstruction des sélections nationales. Cette évolution devrait désormais être un recours naturel.C'est l'Europe qui fait les frais de la nouvelle loi sur les binationaux, dont la France qui pourrait assister à une fuite continue des talents. Depuis les éliminatoires jumelées CAN-Mondial 2010 en Afrique du Sud, des joueurs d'origine maghrébine ou africaine ayant vécu la majeure partie de leur vie en Europe se mettent en évidence. La nouvelle loi sur les binationaux permet ainsi au Sénégal de pouvoir récupérer des joueurs comme David Bellion, Moussa Sow, Cheikh Mbengue, Mamadou Sakho. Henri Saivet, Bruno Mendy, Ismaïlä N'Diaye, Ibrahima Touré, Vincent Mendy, Alfred Ndiaye, Mouhammadou Dabo, Jacques Doudou Faty, Ricardo Faty (AS Rome), Abasse Ba, Jacob Samba N'Gouma Bâ, David Amadou «Papys» M'Bodji. A contrario, si le Maroc a perdu Marouane Fellaini, le joueur d'Everton qui a choisi la nationalité belge il y a maintenant quelques années, elle peut néanmoins se satisfaire de la récupération de Medhi Carcela, la jeune perle du Standard de Liège. En effet, lui qui évolue au club depuis sa plus tendre enfance, et alors qu'il avait effectué des matchs amicaux avec les Diables Rouges, est sur le point de rallier les rangs des Lions de l'Atlas. Nacer Chadli (FC Twente), serait sur le point de lui emboîter le pas. Parti exercer ses talents aux Pays-Bas depuis 2007, il a, lui aussi, grandi et fait toutes ses classes à Liège. S'il n'a pas encore pris sa décision officiellement, il avoue tout de même donner sa priorité à l'équipe nationale marocaine avec laquelle il estime avoir le plus de chances de jouer une compétition d'envergure. Si certains joueurs africains ont choisi de jouer pour leur pays d'origine, ce n'est vraisemblablement pas parce qu'ils risquaient d'être lâchés par leur pays d'adoption. La Belgique, les Pays-Bas, la France et leurs binationaux La France, véritable centre de formation et vivier pour l'Afrique, se retrouve dans la même situation que ses voisins. Les joueurs disposant d'une double nationalité qui donnaient la priorité à la France, n'hésitent pas davantage à faire le choix. Les coaches des jeunes catégories semblent attendre des joueurs portés sur leurs calepins qu'ils se décident sur les couleurs à choisir avant de savoir sachent s'ils ont des chances d'être sélectionnés. Après les années noires de Raymond Domenech, l'équipe de France peut susciter de la crainte et de la méfiance. Nadir Belhadj, le latéral gauche des Fennecs, les justifie clairement : «J'ai fait très vite le choix de l'Algérie. Je n'avais pas envie de me retrouver comme certains qu'on appelle une fois ou deux et puis plus rien. Souvenez-vous de Gomis de Saint-Etienne, c'était le sujet de toutes les discussions, il y a deux ans. Aujourd'hui, ni Domenech ni Laurent Blanc ne le convoque. Et demain, il est possible qu'il ne joue plus aucune compétition internationale. Parfois, tu as l'impression qu'on prend des mecs juste pour qu'ils ne puissent plus honorer la sélection d'origine.» Une défiance que les choix de Raymond Domenech pour le Mondial 2010 en Afsud n'ont fait qu'accentuer. Car, au-delà de l'engouement autour des Fennecs, la non-sélection de Benzema ou Nasri et l'absence de joueurs maghrébins tels que Hatem Benarfa en équipe de France ne sont pas passées inaperçues. Une mission pour le sélectionneur français de faire en sorte que les jeunes talents vivant et évoluant en France depuis toujours, rêvant de porter le maillot bleu ne leur filent pas entre les doigts. La France a déjà perdu Ryad Boudebouz, elle ne veut en aucun cas perdre Yacine Brahimi, Belfodil et Tafer. De son côté, le patron de la FAF Mohamed Raouraoua confie : «Nous avons fait le choix des joueurs professionnels évoluant en Europe. Nous les considérons comme des Algériens à part entière. Nous sommes intéressés par tous ceux qui souhaitent rejoindre la sélection. Les Sofiane Feghouli, Yanis Tafer, Yassine Brahami et Ishak Belfodil (deux excellentes jeunes pousses) sont les bienvenus.» Ryadh Boudebouz, international des moins de 19 ans avec les Bleuets, qui vient d'opter pour les Verts le confirme : «L'Algérie, c'est mon choix. Avec l'équipe de France, c'est trop compliqué.» Une manière comme une autre de signifier qu'il n'a pas envie de compter pour du «Beur» en France. C. C.