Le souvenir des attentats à la bombe ne demeure qu'un vague souvenir dans la mémoire des citoyens. La peur, la panique et la surveillance renforcée n'auront duré que quelque temps. Une virée dans les marchés et ruelles de la ville de Blida nous renseigne sur le relâchement du système sécuritaire qui était déployé pour l'occasion. Jeudi, 10h, la rue d'Alger, en plein coeur de la ville, la foule se bouscule et la procession de voitures avance au ralenti. C'est un fourgon qui est à l'origine de cet embouteillage. Sans trop se presser, le propriétaire décharge lentement et calmement sa marchandise, sans se soucier des autres conducteurs qui, coincés dans leurs véhicules, bouillonnent sans trop oser rappeler à l'ordre le mis en cause. Ils coupent le contact, ravalent leur colère et attendent la fin du déchargement. Femmes, enfants, jeunes et moins jeunes, dans un va-et-vient à vous donner le tournis, remplissent leurs couffins de produits de tout genre, que proposent les vendeurs à la sauvette. Cela va des fruits et légumes en passant par les chaussettes, mouchoirs et autres babioles. Les policiers en civil ou en tenue ont déserté les lieux. La sécurité ne semble plus de mise. A l'entrée du marché couvert, un vieillard, assis sur une chaise, tâte négligemment sacs, cabas ou sachets. Certains réussiront, sans grande difficulté, à passer outre au contrôle. Les trottoirs attenant au marché aux puces qui, quelques jours après l'attentat à la bombe, s'étaient vidés, ont timidement d'abord, puis, franchement, repris leurs droits. Ici aussi, tout se vend et s'achète. D'autres, de leur regard avisé, scrutent à partir de leur véhicule les passants. Les vendeurs à la sauvette, quant à eux, ont repris leur place, sur les trottoirs attendant aux différents marchés de la ville. Que l'on soit à Bab-Dzaïr ou à Zenkat-El-Bey, les articles de tout acabit jonchent le sol. Les marchands à la criée vantent à qui veut les entendre leurs produits, et les citoyens, sereins, décortiquent, passent au peigne fin les articles, puis en négocient le prix. Les transactions durent parfois longtemps avant que le client ne décide de tirer son porte-monnaie. Emportée par la folie des achats, la population, à l'affût de la moindre nouveauté, furète à travers les étals. Dans le quartier populaire de Boufarik, le marché hebdomadaire, l'un des plus fréquentés de la ville et de la région, n'a pas dérogé à la règle de contrôle, même après les derniers attentats, nous diront les habitués du marché. Les agents de sécurité avaient vraisemblablement accompli leur mission à l'heure où nous effectuons notre virée. Il est 13h et les commerçants écoulent ce qui reste de marchandises. Notre tournée nous conduit, cette fois, vers l'inévitable marché de Zenkat-Laârab, où les prix des produits défient toute concurrence. A titre d'exemple, les bananes sont cédées à 60 DA. Ici des policiers en faction, avec des gilets pare-balles, font les cent pas. La psychose qui s'était emparée de la population tout récemment par des explosions ou des désamorçages d'engins semble s'être dissipée. La hantise des sachets en plastique noirs a disparu. Les citoyens ont vite perdu le réflexe de s'attarder sur un paquet qui pourrait paraître suspect. Dans cette foule en furie, qui n'a d'yeux que pour ces marchandises, le citoyen n'a pas l'esprit à regarder autour de lui et ne pense plus que le danger d'actes terroristes plane toujours. La vigilance, aussi bien du côté des forces de sécurité que de celui de la population, semble ainsi n'être plus de mise. En tout cas, le relâchement est criant. Au demeurant, il faciliterait, à plus d'un titre, la tâche macabre des groupes terroristes qui, eux, guettent sans relâche la moindre négligence de leurs adversaires.