Synthèse de Ghada Hamrouche Les élections qui se sont déroulées hier en Birmanie représentent une «avancée» et témoignent d'un changement que l'Occident devrait encourager, a estimé aujourd'hui la presse officielle chinoise. Le scrutin organisé par la junte birmane au pouvoir, qualifié de mascarade en Occident, «montre un changement dans le pays dirigé par les militaires», a estimé le journal officiel Global Times, dans un éditorial intitulé «Election en Birmanie : une avancée». Pékin soutient «le plan de la Birmanie de transformer son système politique, mais sait qu'il faudra du temps», ajoute le quotidien.L'indignation venue d'abord des Etats-Unis et d'Europe contrastait avec la discrète auto-célébration à laquelle se livrait la presse locale, qui diffusait des photos de hauts responsables, le généralissime Than Shwe en tête, en train d'accomplir leur devoir civique. Des combats entre la junte et des rebelles karens ont fait trois morts et plusieurs blessés dans la ville de Myawaddy, à la frontière avec la Thaïlande (est), signe des vives tensions entre le pouvoir central et les minorités ethniques qui font craindre depuis quelques semaines une reprise de foyers de guerre civile. Le quotidien gouvernemental New Light of Myanmar a publié des listes de «vainqueurs» des élections dans 57 circonscriptions, dont 55 n'étaient disputées que par un seul candidat, le plus souvent pour le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP, pro-junte). Mais les résultats officiels n'étaient pas attendus avant quelques jours dans ce pays de quelque 50 millions d'habitants, dont une grande partie vit dans des zones montagneuses et isolées. «Les responsables des bureaux de vote ont ouvert les urnes, compté les voix et enregistré les listes de façon systématique lorsque tous les électeurs ont fini de voter», a affirmé le New Light sur son site Internet avec des photos d'ambassadeurs étrangers lors de visites de bureaux de vote soigneusement orchestrées. Des visites qui n'ont pourtant convaincu personne, à l'exception notable de la Chine, solide alliée de la junte, où la presse officielle a qualifié le scrutin d'«avancée» et demandé à l'Occident de «diminuer son hostilité» à l'égard du régime de Naypyidaw. Washington, Paris, Londres, Bruxelles, Canberra et Tokyo ont en effet dénoncé des élections ni justes ni équitables, après une campagne outrageusement favorable aux militaires, sur fond d'accusations de fraude. L'USDP, créé de toutes pièces par les militaires il y a quelques mois, semble assuré d'une victoire au Parlement national bicaméral et dans les assemblées régionales, ne serait-ce qu'avec l'aide automatique des 25% de sièges réservés aux militaires en activité. Il devrait être par ailleurs secondé par le Parti de l'unité nationale (NUP), proche de l'ancien régime du général Ne Win (1962-1988), même si certains experts estiment qu'il pourrait ne pas s'aligner complètement sur la junte. De nombreux analystes ont eux aussi dénoncé le caractère inéquitable de la consultation et les atteintes aux standards internationaux élémentaires, tout en évoquant le potentiel à terme de ces assemblées dans lesquelles siègeront des représentants élus de l'opposition. «La stratégie générale était de tout verrouiller avant même d'organiser les élections», a ainsi estimé Donna Guest, d'Amnesty International, mais il «pourrait y avoir plus d'espace politique» à l'avenir. Le précédent scrutin en 1990 avait été remporté par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi. Vingt ans plus tard, la junte n'a jamais semblé aussi forte. La LND a boycotté ce scrutin et a en conséquence été dissoute. Mme Suu Kyi, en résidence surveillée sans interruption depuis 2003 et pendant 15 des 21 dernières années, est complètement isolée. Sa dernière peine de résidence surveillée, prononcée en août 2009, arrive à son terme le 13 novembre, suscitant de vifs espoirs de libération de la lauréate du prix Nobel de la paix.