«L'Algérie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont parmi les quelques gouvernements qui refusent de payer une rançon pour les otages», a déclaré le coordonnateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat américain, M. Daniel Benjamin, lors d'une conférence de presse organisée par le département d'Etat à Washington et rapportée par l'APS. Le patron américain du contre-terrorisme a ajouté que sur la politique de non-versement de rançon, «l'Algérie, en particulier, a été très franche sur ce point, et je pense que nous ferions bien tous de tenir compte de son message».M. Benjamin, qui a tenu à affirmer encore une fois que les Etats-Unis souhaitent «approfondir» leurs relations avec l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme, a également fait une allusion claire à certains pays européens qui continuent à payer les rançons demandées par les terroristes. «Le non-paiement de rançons a des coûts réels sur le plan des pertes humaines. Les terroristes peuvent tuer des otages, mais, au fil du temps, s'ils voient que les pays ne paient pas de rançons, la fréquence des enlèvements de leurs ressortissants diminuera», a-t-il insisté. Interrogé par un journaliste si la position et les arguments des Etats-Unis contre le versement de rançons pourraient convaincre d'autres pays d'adopter la même position, M. Benjamin a rappelé que «la zone d'activité de l'Aqmi se situait, tout au début, le long du littoral algérien. Grâce au travail très efficace des autorités algériennes, ses opérations ont largement décliné dans cette zone». En conséquence, a-t-il ajouté, l'Aqmi a envoyé un certain nombre de ses éléments au Sahel, où quelques recrues de cette région ont été enrôlées. Ce sont ces éléments qui commettent des enlèvements contre rançon, «en activant soit individuellement en s'emparant d'otages eux-mêmes, ou en travaillant avec des groupes criminels qui enlèvent des personnes contre de l'argent. Je pense qu'il est juste de dire que le versement de rançons constitue la première source de revenus pour l'Aqmi. Et c'est cela qui lui permet de se maintenir […] avec des rançons de plusieurs millions de dollars qui sont versées […]. Cela est profondément, profondément inquiétant». Le responsable américain a estimé que «si de réels progrès ont été réalisés pour tarir les ressources financières des terroristes à travers le monde» par la fermeture de comptes bancaires et le contrôle des transactions financières internationales, «les rançons sont différentes» des autres sources de financement et «c'est, donc, un véritable problème […] et nous sommes profondément préoccupés par cela». Tout en affirmant que les Etats-Unis sont conscients qu'il est difficile pour des pays d'adopter et d'accepter cette politique de non-versement de rançon : «C'est une position très, très difficile». M. Benjamin pense qu'«il est clair que, lorsque vous payez une rançon, vous pouvez alors vous attendre que deux ou trois autres ressortissants seront probablement enlevés plus tard, étant donné l'efficacité de la tactique». Il est évident donc qu'«Al Qaïda au Maghreb islamique fait preuve de résilience et d'aptitude à mobiliser des ressources financières substantielles grâce aux rançons versées». Le seul moyen de faire face à ce fléau, selon le responsable américain, est d'unir les efforts des pays de cette région. A ce propos, M. Daniel Benjamin fait savoir que «les Etats-Unis disposent d'un vaste programme multinational de renforcement des capacités dans le partenariat antiterroriste dans la région transsaharienne, auquel nous consacrons jusqu'à 150 millions de dollars par an». Pour lui, le recours de l'Aqmi aux enlèvements contre rançon pour assurer sa survie souligne l'urgence de couper cette source de financement. «Quelque chose doit être fait pour aider les pays comme le Mali, la Mauritanie et d'autres dans la région», a déclaré le responsable américain, précisant qu'«obtenir un large accord sur une politique sans concession des gouvernements des pays riches serait un très bon commencement» pour mener à bien cette politique. Revenant sur les relations algéro-américaines dans la lutte contre le terrorisme, le coordonnateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat américain a affirmé que ces relations sont «absolument essentielles». Citant sa visite en juillet dernier à Alger qu'il a qualifiée d'«excellente», M. Benjamin a affirmé qu'il «apprécie fortement le travail accompli par les responsables algériens du contre-terrorisme et les forces de l'ordre», ajoutant que les Etats-Unis considèrent cette coopération «comme une relation absolument essentielle». «L'Algérie a une grande volonté politique de lutter contre le terrorisme et une grande expérience que nous voulons tous acquérir», a souligné le responsable américain. A cet effet, a-t-il soutenu, les Etats-Unis «cherchent à approfondir cette relation afin que nous puissions faire face aux menaces communes. Je crois que cela a été un engagement très positif que nous souhaitons approfondir dans les années à venir», a-t-il dit. Questionné enfin sur les conséquences de l'escalade militaire marocaine contre les camps sahraouis et si cela allait avoir des répercussions en termes de terrorisme dans cette région, M. Benjamin a considéré que «si les Etats-Unis sont préoccupés qu'El Qaïda au Maghreb puisse étendre ses opérations, franchement, a-t-il affirmé, nous ne pensons pas que cette expansion atteindrait cette région du Maghreb», ajoutant qu'il n'y a «aucune preuve» sur cette éventualité. H. Y.