Le photographe français Henri Cartier-Bresson (1908-2004), fondateur de Magnum et surnommé par Pierre Assouline, un de ses biographes, «l'œil du siècle», a soufflé, à titre posthume, sa 100ème bougie hier, un anniversaire qui ne peut être ignoré ni passé sous silence, même si ce géant de l'art photographique n'aimait pas les célébrations. Aussi, la fondation Henri Cartier-Bresson, fondée en 2003 à Paris par le photographe, a-t-elle décidé de fêter l'événement tout en respectant la discrétion du personnage. L'hommage se fera à travers une exposition, «Henri Cartier-Bresson-Walker Evans. Photographier l'Amérique (1929-1947)», du 10 septembre au 21 décembre ; deux colloques et la parution de trois ouvrages rendent hommage à l'un des plus grands photographes, considéré comme le «père» du photojournalisme, dira la directrice de la fondation, Agnès Sire. Un ensemble de 43 tirages d'époque pour chacun des deux photographes présenteront un sujet que Cartier-Bresson «affectionnait particulièrement, l'Amérique», dit la Fondation. Les images présentées ont été réalisées entre 1929 et 1947 dans des environnements urbains (New York, Washington, Chicago, Californie) et dans le Sud : Mississipi, Alabama ou Louisiane. Ils avaient tous deux «une même passion pour le réel, un même goût pour le social», explique Mme Sire. Deux colloques -les premiers sur le sujet- seront également organisés à Cerisy-la-Salle, du 4 au 7 octobre et à Paris, les 14 et 15 novembre. Une trentaine de spécialistes ou photographes, dont Peter Galassi, conservateur pour la photographie au Museum of Modern Art de New York ou le photographe Raymond Depardon, sont attendus pour ces rencontres qui donneront matière à une publication future. Au chapitre des publications, les éditions Steidl publieront le catalogue de l'exposition. Gallimard sortira le premier livre de la collection Découvertes consacré à un photographe, signé Clément Chéroux, conservateur au Centre Pompidou. La collection Art et artistes de Gallimard publiera un recueil d'articles du quotidien le Monde, sous la direction de Michel Guerrin, consacrés, de 1955 à 2007, au premier artiste «dont la mort a été annoncée en une du Monde», selon la directrice de la Fondation. «Même Picasso et Matisse» n'y ont pas eu droit, dit-elle. Une rétrospective sur l'œuvre du photographe avait eu un énorme succès en 2003 à la Bibliothèque nationale de France. Le MoMA, où HCB a été le premier photographe exposé, comme il l'a été au musée du Louvre, en prépare une pour le début de 2010. Henri Cartier-Bresson a parcouru le monde en reportage avant de fonder, en 1947, avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, la célèbre agence coopérative Magnum Photos. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions (jamais recadrées au tirage), il s'est surtout illustré dans le reportage de rue, la représentation des aspects pittoresques ou significatifs de la vie quotidienne. Il est l'inventeur du concept d'«instant décisif». Après des études de peinture en 1927-1928 et une fréquentation des cercles surréalistes parisiens, il décide de se consacrer à la photographie. C'est à 23 ans, en Côte d'Ivoire, qu'il prend ses premiers clichés avec un Krauss d'occasion. Il publie son reportage l'année suivante, 1931, et achète son premier Leica en 1932. A partir de 1947, il parcourt le monde en photographe humaniste : il voyage en Afrique, au Mexique, aux États-Unis, réalise en 1936 un documentaire sur les hôpitaux de l'Espagne républicaine et devient l'assistant du cinéaste Jean Renoir. Formé à l'Ecole des beaux-arts, il abandonne finalement la photographie en 1970 pour se consacrer au dessin. R. C.