Les cours du brut léger américain ont atteint les 88,63 dollars le baril, leur plus haut niveau depuis octobre 2008, une tendance haussière, conséquence de l'annonce d'un nouveau programme d'assouplissement quantitatif engagé par la Réserve fédérale américaine, dans le but de fouetter un peu plus la reprise économique aux Etats-Unis. Autre facteur haussier, la demande chinoise et l'annonce d'une baisse des stocks de brut américains ont également alimenté la hausse des cours. Conjuguée à celle de l'Inde, la demande chinoise continue à tirer vers le haut la consommation énergétique mondiale, et conséquemment, le niveau des prix de l'or noir. Une situation confortable pour les pays pétroliers ? Elle pourrait l'être davantage, parce qu'elle est soutenue par la demande de pétrole en provenance des pays membres de l'OCDE qui sera, selon les prévisions de l'Opep, plus forte que prévu l'année prochaine grâce à l'accélération de la croissance économique induite par les mesures de relance. En tout cas, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole a mis au point une somme de scénarios liés à l'impact de cette hausse des cours sur sa politique. Dans le premier scénario, il est fort possible que l'Organisation viennoise ne modifie pas sa politique de production, en dépit de la hausse des cours du brut. Les signes d'une évolution à la hausse des prix, comme souhaité par nombre de membres de l'Organisation, sont là. Du coup, il n'y a pas de raison pour toucher à la production, la modifier, à la faveur de la prochaine conférence extraordinaire du Quito. Il est évident qu'un baril de brut entre 70 et 90 dollars arrange les affaires de tout le monde, ou presque. De plus, il est confortable pour les consommateurs, avait dit début novembre le ministre du Pétrole saoudien Ali al-Naimi. L'Arabie saoudite était favorable à une fourchette oscillant entre 70 à 80 dollars. Les Saoudiens l'avait jugée idéale pendant deux ans. Et dans le camp des institutions multilatérales ? Un responsable du Fonds monétaire international (FMI), cité par des agences de presse, estime qu'une hausse des prix ne constituait pas une menace pour la reprise de l'économie mondiale, affirmant ainsi que le consommateur pouvait se satisfaire des prix actuels. L'Iran, qui présidera l'Opep en 2011, met en relief un argumentaire analogue, à ce sujet, affirmant que l'économie mondiale ne serait pas affectée par un pétrole à 100 dollars le baril, tout en jugeant les prix actuels adaptés. Pareille déclaration ne peut que remettre en cause certains arguments développés par des pays de l'OCDE qui disent qu'une envolée des cours plomberait la croissance de l'économie mondiale. Ce dont de nombreux spécialistes sont sûrs, c'est que l'Opep «n'agira pas avant un bon moment, pas avant que les cours n'atteignent les 100 dollars le baril ou que les réserves ne baissent», estime Tony Nunan, gestionnaire de risque chez Mitsubishi repris par des agences de presse. Certains membres de l'Opep se réjouissent d'une telle hausse et ont clairement fait savoir qu'ils souhaitent voir perdurer cette tendance. C'est en fait la durabilité qui pose problème pour l'organisation, car un retournement de situation n'est pas exclu. La Libye souhaite ainsi un baril à 100 dollars et le Venezuela un baril entre 90 et 100 dollars en 2011. Deux pays catalogués, de l'aile dure de l'Opep, hostiles à une certaine frilosité soutenue par une frange de l'organisation. Une augmentation de la production des pays membres de l'Opep (un autre scénario) pourrait résulter d'un moindre respect de la réduction des quotas de production, sauf en cas de baisse des cours. C'est un des aspects abordés lors des dernières conférences de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole. La discipline au sein de l'organisation est plus que discutable, des pays continuant à surproduire tirant profit de la reprise des cours, dopant leurs revenus pétroliers. La réduction des quotas à 4,2 millions de barils par jour annoncée en décembre 2009 n'est actuellement respectée qu'à 51%, contre un taux de près de 80% en 2009, selon les estimations figurant dans le rapport mensuel de l'Opep sur le marché du pétrole publié il y a quelques jours. Cela signifie que les pays membres pompent plus de deux millions de barils par jour de plus que l'objectif officiel de production, pour répondre à la reprise de la demande, encouragés par les prix plus élevés. «Nous allons observer une augmentation progressive de l'offre de l'Opep et un moindre respect des quotas», commente Thorbjorn Bak Jensen de Global Risk Management. L'Organisation a dit détenir une capacité de plus de six millions de barils par jour de pétrole inutilisée en raison de la réduction de l'offre engagée il y a deux ans, soit l'équivalent de sept pour cent de la demande mondiale. La plupart de ces réserves sont détenues par l'Arabie saoudite et, dans une moindre mesure, par le Koweït et les Emirats arabes unis. Les analystes estiment que l'Opep pourrait envisager de relever ses objectifs de production si les prix s'orientaient vers les 100 dollars le baril. Si les 100 dollars sont atteints, ils pourraient réellement modifier les quotas et l'Opep devrait présenter un nouveau scénario, estime Franck Schallenberger de la Landesbank. Selon l'Opep, les fondamentaux de l'offre et de la demande s'améliorent.Les analystes ont relevé leurs prévisions de la demande mondiale de brut américain et les réserves de brut et carburant ont reculé la semaine dernière aux Etats-Unis. Toutefois, le rapport de l'Opep, publié il y a quelques jours, n'entrevoit pas de modification significative des réserves. Y. S.