C'est dans une ambiance empreinte de suspicion et de relents de scandales que la Fédération internationale de football amateur (Fifa) délibérera aujourd'hui pour désigner les noms des futurs organisateurs des deux prochaines Coupes du monde. Zurich vit à cet effet des moments particuliers, où la maison Blatter, jamais éclaboussée par tant d'affaires de corruption, jouera ce qui lui reste de crédibilité. Les 22 membres de son conseil exécutif, instance de décision de l'ONU du football, sont sous les feux de la rampe de toute la planète football. Compte tenu du profil des candidats en lice, l'édition de 2022 donne l'impression de surclasser, en termes d'intérêt et de prévisions, celle qui aura lieu quatre ans plus tôt. Mais à mesure que la sentence de la Fifa approche, les appétits s'aiguisent. Cela n'empêche pas cependant des pays candidats de se montrer fair-play. Ainsi, Vladimir Poutine, Premier ministre russe, a préféré ne pas encombrer l'événement par sa présence à Zurich en ce 2 décembre déjà historique pour les futurs pays organisateurs des mondiaux de 2018 et 2022. «Je voudrais présenter personnellement la candidature de la Russie, mais dans les conditions actuelles je pense qu'il vaut mieux s'abstenir pour donner la possibilité aux membres de la Fifa de prendre la décision tranquillement, sans pression extérieure», a-t-il déclaré hier alors qu'il était annoncé dans la ville suisse. L'attitude de Poutine est, à bien des égards, révélatrice de la fragilité de la Fifa face aux pressions extérieures, mais surtout à celles de l'argent. Ce constat peut être réaffirmé aujourd'hui dans le choix de la Fifa quant au pays organisateur de l'édition de 2022 où le «match» s'annonce à dimensions multiples. La candidature du Qatar, solide en matière d'infrastructures, est venue mettre dans l'embarras une Fifa plus proche du confort que de véhiculer les valeurs humaines qu'elle est censée mettre au-dessus de tous les enjeux. Ce n'est pas le mot d'ordre du moment. Les enjeux sont en effet multiples. Et le choix pourrait se faire loin des facteurs traditionnels. La promotion et le développement du football sont des éléments essentiels pour la Fifa. Les infrastructures, la capacité d'accueil et les conditions de sécurité ne le sont pas moins. Nous avons vu comment les inquiétudes concernant la sécurité avancées, avant le Mondial sud-africain se sont avérées aussi machiavéliques qu'infondées. Le Qatar n'a pas manqué de subir ces derniers mois ce genre de tacles lui reprochant principalement «sa petite taille» pour un événement comme la Coupe du monde. Mais la candidature du Qatar n'est pas uniquement une question de territoire. Car le dossier du Qatar traduit une forte volonté politique de l'émirat. En matière de technologie, le Qatar promet d'offrir tous les moyens pour une meilleure organisation du rendez-vous. Un système d'air conditionné est annoncé dans les stades afin de lutter contre les fortes chaleurs. Mais loin des facteurs traditionnels, la candidature du Qatar offre à la Fifa une opportunité de combler une grande faille puisque aucun pays arabe ou musulman n'a organisé jusqu'à maintenant un événement sportif mondialisé. La candidature du Qatar est aussi une offre de jonction entre l'Orient et l'Occident. Si la Fifa attribue l'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar, elle aura mis le football au service de la lutte contre «le choc des civilisations». Elle aura, par conséquent, réussi là où l'ONU a échoué. Pour réussir une telle œuvre, la Fifa doit se débarrasser de toutes les pesanteurs qui l'ont déviée de sa mission et de ses valeurs. Pour faire du 2 décembre 2010 une date repère dans la vie de la Fifa. A. Y.