L'ex-président sud-africain Thabo Mbeki est à Abidjan pour tenter de trouver une issue à la grave crise post-électorale en Côte d'Ivoire. C'est dans un climat de forte tension que Mbeki arrive pour tenter de jouer un rôle de médiateur et faire en sorte que la cassure ne soit pas fatale à ce pays fragilisé par les jeux de pouvoir. Preuve supplémentaire que la situation est au bord de la rupture : Mbeki est accueilli par les services diplomatiques sud-africains, aucun officiel ivoirien ne s'est donné la peine de le recevoir. L'Union africaine décide d'envoyer le Sud-Africain en «mission d'urgence» pour «trouver une solution légitime et pacifique à la crise». Mbeki devait rencontrer les protagonistes de la crise, le président sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara. Tous deux se revendiquent président de la République de la Côte d'Ivoire. Pour rappel, c'est suite aux efforts de Mbeki, alors médiateur, que Gbagbo avait accepté de valider en 2005 la candidature présidentielle de l'ex-Premier ministre Ouattara. Ce dernier a été accusé de porter une «nationalité douteuse» lors du scrutin de 2000. L'origine des hommes politiques ivoiriens demeure un des paramètres majeurs de la crise ivoirienne. Samedi dernier, lors de la cérémonie d'investiture au palais présidentiel, Gbagbo s'est posé en défenseur intraitable de la souveraineté du pays face à «l'étranger». Gbagbo a été proclamé vainqueur de la présidentielle avec 51,45% des suffrages par un Conseil constitutionnel roulant pour lui, alors que la Commission électorale indépendante donnait son rival Ouattara en tête avec 54,1%. Ce dernier décide, lui aussi, de prêter serment le même jour par un courrier adressé au président du Conseil constitutionnel. La Côte d'Ivoire se retrouve ainsi avec deux présidents et ouvre la porte à toutes les dérives. Alassane Ouattara, fort des appuis des Nations unies, des Etats-Unis, de l'Union européenne, de la France et de l'Union africaine, tient à sa victoire. L'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui contrôle le nord du pays est également de son côté et se dit prête à toute éventualité. Le chef des FN, Guillaume Soro, ex-Premier ministre, a reconnu l'élection de Ouattara, auquel il a remis sa démission et celle de son gouvernement. Le pays, coupé en deux voilà huit ans, se retrouve depuis la présidentielle du 28 novembre avec deux chefs pour un seul Etat. Risque amplifié, les partisans des deux camps pourraient être tentés de se radicaliser et faire plonger le pays dans le chaos. Déjà, des violences ont fait, samedi dernier, au moins deux morts à Abidjan. Des centaines de sympathisants d'Alassane Dramane Ouattara ont crié leur colère, accroissant les appréhensions. Le département d'Etat américain a appelé ses ressortissants à éviter tout voyage en Côte d'Ivoire. Les jours suivants seront décisifs pour l'avenir incertain du «pays des éléphants». M. B.