Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani L'aménagement environnemental à Annaba n'est pas, à vrai dire, une notion bien ancrée dans les esprits de ceux qui président aux destinées d'une ville dont l'expansion spatiale ne respecte ni les plans directeurs d'aménagement et d'urbanisme (PDAU) ni les plans d'occupation des sols (POS).Et même ces instruments mis à la disposition des responsables locaux, qu'ils soient issus de l'administration ou des APC, ne prennent pas en compte la complexité des impacts environnementaux résultant des interactions entre les acteurs et leur espace. Ce qui, souvent, est à l'origine de dégâts et de catastrophes qui donnent lieu à des interventions en aval pour corriger a posteriori ce qui aurait dû être évité au départ. En effet, si l'on prend comme exemple les piémonts de l'Edough, une protection naturelle de la ville d'Annaba, avec un couvert végétal très dense, un relief et une configuration du terrain permettant à la cité d'être à l'abri, et l'urbanisation effrénée de cet espace où les chantiers pullulent et poussent comme des champignons, on comprend alors le problème des inondations récurrentes qui touchent la ville. Les sols, auparavant fixés par les milliers d'arbres qui existaient sur les flans de l'Edough empêchaient tout affaissement ou glissement de terrain ; et la nature, dans ses inventions, avait créé un système d'écoulement des eaux par ruisseaux et oueds interposés de telle sorte que ces instruments naturels évacuent normalement les surplus d'eau qui menaceraient la vallée. Déforestation et constructions Or, dans le cas présent, la déforestation des lieux, les terrassements et les nivellements à coups de bulldozer ont défiguré et transformé ces espaces que la poussière, les gravats et les déchets de matériaux de construction ont envahis. Sur le plan écologique, c'est tout un écosystème qui disparaît, la faune et la flore sont les premières victimes ; des centaines d'espèces végétales se sont éteintes, des espèces animales ont disparu ou se sont réfugiées sur les hauteurs et l'homme, premier responsable de la catastrophe, paye à chaque fois un lourd tribut dû à son inconséquence à l'égard de l'environnement. Avec une pluviométrie avoisinant les 1 000 mm/an, la ville est souvent exposée aux inondations malgré les équipements installés et mis en service par la Direction de l'hydraulique et la SEATA. Des équipements qui ont coûté au contribuable des milliards de dinars mais qui se sont révélés inefficaces du fait justement du non-respect des PDAU et des POS. En effet, les fortes précipitations qui durent parfois près d'une heure d'affilée créent de violents torrents qui charrient tout sur leur passage. Ainsi, alluvions, déchets de matériaux de construction, sable, gravats et autres boues sont transportés jusque dans les quartiers situés en contrebas. Rigoles, avaloirs, réseau d'assainissement, bassin de décantation situés à Zaafrania se trouvent obstrués et les eaux pluviales n'étant pas évacuées montent dangereusement, menaçant les biens et les personnes. Pollution et effets sur les riverains L'oued Saf Saf traversant la plaine ouest à Annaba est devenu, au fil des ans, un véritable danger pour les habitants de la cité éponyme mais aussi pour les cités voisines (8 Mars et 19 Mai 1956) qui se plaignent souvent des désagréments causés par la pollution de ce cours d'eau, lequel, en réalité, n'en est plus un. En effet, cet oued, où coulait une eau naturelle et où vivait la carpe, il y a une trentaine d'années s'est transformé en une sorte de déversoir où sont évacuées les eaux usées de milliers d'habitants avec en prime une multitude de déchets solides jetés par ces habitants. La mauvaise herbe a poussé et s'est développée sur les berges, des ordures ménagères sont déposées çà et là et des déchets de matériaux de construction sont visibles sur ses deux rives. Gros rats, insectes, moustiques, serpents et autres bestioles y vivent et les odeurs nauséabondes qui s'en dégagent empestent les lieux et indisposent les riverains. En hiver, par temps de crue, l'oued déborde et inonde tous les espaces, atteignant fréquemment les immeubles construits à quelques mètres, les caves sont inondées, les eaux montent jusqu'aux cages d'escalier et empêchent toute circulation. En été, en plus des odeurs pestilentielles, ce sont des nuées de moustiques qui envahissent les appartements, obligeant les habitants à se cloîtrer ; mais malgré cela, ces insectes arrivent à pénétrer dans les lieux et à faire des ravages. Agglomérations anarchiques Cet environnement et ce cadre de vie dégradés sont le fait d'une expansion spatiale non réfléchie qui s'est faite dans l'urgence pour répondre aux besoins sans cesse croissants d'une population qui a décuplé en quelques années et pour laquelle il fallait assurer le logement et tous les équipements publics. Les constructions ont poussé un peu partout sur des sites connus pour être inondables sans aucune vision d'avenir quant à l'impact de cette urbanisation sur l'environnement. Dans la foulée, des agglomérations se sont créées autour des complexes industriels, telle la localité de Sidi Amar aux portes de l'usine sidérurgique d'El Hadjar.Le développement de cette petite commune ne s'est pas fait selon les normes. Des constructions implantées sur des collines difficiles d'accès, un aménagement sommaire qui n'est pas fait pour arranger les choses et une population qui s'est très vite multipliée ont fait que l'aspect général de cette petite ville est des plus hideux. Un plan directeur d'aménagement et d'urbanisme qui n'est pas du tout respecté et des constructions qui poussent à tout-va sans aucun respect pour les règles les plus élémentaires d'urbanisme. L'anarchie est érigée en règle et les bidonvilles prennent le pas sur la ville qui se ruralise de jour en jour. Des maisons bâties sans permis de construire ni plan d'architecture, des voies sinueuses et des ruelles si étroites qu'il ne peut y passer qu'un véhicule à la fois. Ici, point de police de l'urbanisme ou de protection de l'environnement, on construit sa maison comme on veut sans risque d'être inquiété par les autorités locales qui laissent faire pour régulariser plus tard et cautionner cette anarchie qui encourage d'autres. Annaba et ses 64 POS Sur le plan urbanistique, Annaba se présente comme un ensemble hétérogène où la fragmentation socio-spatiale est flagrante et renseigne sur l'évolution de la ville. Une évolution rapide, démesurée et ne respectant en rien les différents plans directeurs d'aménagement et d'urbanisme venus sur le tard pour réguler et réorganiser les espaces. Pourtant, neuf PDAU couvrant la totalité des communes dépendant du chef-lieu de wilaya et un autre intercommunal regroupant les communes d'El Bouni, Sidi Amar, El Hadjar et Annaba avaient été élaborés dans le but d'avoir un instrument d'urbanisme opérationnel et efficace prévoyant les besoins d'une population dont l'accroissement rapide pose des problèmes difficiles à gérer. 64 plans d'occupation des sols (POS), dont 27 achevés, 12 approuvés et 25 en cours n'ont rien changé au désordre ambiant qui caractérise la situation de l'urbanisme à Annaba aggravée par l'indisponibilité du foncier urbanisable dilapidé durant ces dernières années et accaparé par des groupes privés et publics. L'Agence d'urbanisme et de développement L'accumulation de ces problèmes et leur impact sur les populations avaient amené les autorités à revoir certains PDAU jugés comme étant responsables en partie de la dégradation de l'environnement. Ainsi, le directeur de l'environnement de la wilaya de Annaba nous a déclaré qu'il faudrait suspendre tous les permis de construire sur le bassin versant de Seraïdi et du côté du monument du 1er Novembre parce que menaçant sérieusement la ville en cas de crues ou de précipitations atmosphériques. «Ne plus autoriser d'unités de production à l'intérieur du tissu urbain et délocaliser celles qui s'y trouvent déjà pour préserver la qualité de l'air déjà pollué par les milliers de voitures qui circulent chaque jour», a-t-il ajouté. Sur un autre plan, il y a deux ans, le 2 novembre 2008, M. Michel Delebarre, ex-ministre d'Etat, député maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, accompagné de MM. Claude Nicolet, François Delagrange, collaborateurs du président de la région, Sébastien Debeaumont de l'Agence urbaine de la communauté de Dunkerque (Agur) et de Mme Rose Anne Bisiaux, chargée de mission des relations internationales, avait cosigné avec le président de l'APC de Annaba, M. Bensaïd Abdallah Nabil, la lettre d'engagement portant création de l'Agence d'urbanisme et de développement. Ladite agence est, comme l'a déclaré M. Delebarre, une sorte de laboratoire permanent sur ce qui peut être fait ; les choses changeant chaque année, il s'agit d'adapter et de réadapter à chaque fois les instruments d'urbanisme en apportant les correctifs nécessaires pour arriver à un développement contrôlé et durable. L'Agence d'urbanisme et de développement de Annaba dispose d'un budget de 690 000 euros ; le montage financier est réparti entre la communauté urbaine de Dunkerque et la commune de Annaba qui ont participé chacune avec 135 000 euros, l'Union européenne avec 300 000 euros et le ministère français des Affaires étrangères et européennes avec 120 000 euros. Le projet lancé s'articule autour de cinq axes allant de l'assistance-conseil à la mise en œuvre des projets de réhabilitation des tissus anciens et du patrimoine de Annaba en passant par la formation-action, la construction d'outils d'observation et d'évaluation ainsi que la réalisation d'un premier diagnostic territorial.Aujourd'hui, l'agence n'est toujours pas opérationnelle et la situation va de mal en pis malgré les quelques rafistolages limités dans l'espace et dans le temps et sans réel impact sur la dégradation de l'environnement.