Impression de déjà-vu. L'émissaire américain George Mitchell entame une tournée au Proche-Orient. Comme de coutume, il doit rencontrer le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, puis le président palestinien Mahmoud Abbas. Netanyahou, pour lui exposer la nouvelle «approche» des négociations de paix annoncée par la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. Abbas, qui vient de réunir le Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), pour lui signifier l'importance de croire encore à l'illusion. Les virées de Mitchell se suivent et se ressemblent. La situation dans les territoires occupés n'évolue guère. L'émissaire américain s'était rendu pour la dernière fois dans la région il y a deux mois. C'était juste après l'expiration du fameux moratoire israélien sur les nouvelles constructions dans les colonies de Cisjordanie que Netanyahou a finalement décidé de ne pas reconduire, estimant avoir «trop fait pour la paix». Le président palestinien ira ensuite au Caire, où doit se tenir à sa demande une réunion de la Ligue arabe pour discuter du «processus de paix» avec Israël. Ce scénario réglé comme du papier à musique, frisant le ressassement, confirme l'échec patent des négociations et l'aveu d'impuissance de la première puissance du monde à imposer la paix. Les Etats-Unis ont reconnu explicitement le 7 décembre, l'échec de leurs tentatives de convaincre Israël de décréter un nouveau moratoire sur la colonisation. Un arrêt, fût-il momentané, des colonies reste pourtant une condition sine qua non pour des négociations crédibles. Mme Clinton a officiellement confirmé le retour aux négociations indirectes par l'entremise des Etats-Unis. Pour la secrétaire d'Etat, les pourparlers porteraient désormais sur les «questions de fond» d'un accord de paix. Comme si les constructions de colonies illégales au nez et à la barbe de la «communauté internationale» n'étaient pas une question de fond. Cet énième échec de l'administration américaine d'imposer un minimumà la partie occupante est symptomatique de l'impunité, devenue encombrante, de l'Etat d'Israël. Barack Obama avait pourtant, au début des négociations, mis un point d'honneur à faire accepter à son partenaire israélien un nouveau «gel» de 90 jours pour pouvoir discuter. A la Maison-Blanche, on ne veut point parler d'échec. C'est un simple «changement tactique». Mais après qu'elle a «demandé» pendant trois mois et à plusieurs reprises à Israël d'accepter un véritable gel et non une forme d'arrêt virtuel, la conclusion s'impose d'elle-même. Ce revirement sonne, en effet, comme un aveu d'échec pour Barack Obama qui a fait de la paix au Proche-Orient son objectif prioritaire en matière de politique étrangère, allant même jusqu'à fixer la date de création du futur Etat palestinien : septembre 2011. L'administration Obama était-elle sincère en parlant d'Etat palestinien dans un laps de temps d'une année ? Ce qu'il faut constater, c'est qu'en définitive, la politique américaine au Proche-Orient n'a pas évolué d'un iota dans le soutien total à Israël. Il est loisible de dire qu'Obama a fait une reculade face à l'hégémonique lobby israélien au Capitole. Ce qu'il faut constater, avec le renoncement officiel de l'administration américaine à exiger un «répit» dans la colonisation effrénée, est que ni Mahmoud Abbas ni les dirigeants arabes, qui appellent de leurs vœux à «frapper la tête du serpent» iranien, ne peuvent prétendre désormais qu'il existe un réel processus de paix. Même les dirigeants palestiniens proches de Mahmoud Abbas, d'habitude partants pour toutes les propositions émanant de Washington, expriment leur désappointement. Ils ont accueilli sans cacher leur scepticisme les déclarations de Hillary Clinton de passer à une autre forme de dialogue. «Les Etats-Unis remettent sur le tapis des négociations indirectes avec Israël, ce qui veut dire qu'ils n'ont rien à proposer pour le moment», déclare le négociateur palestinien Mohammed Shtayyeh. Pour Yasser Abed Rabbo, conseiller de Mahmoud Abbas, c'est la colère et la frustration. Il ne semble plus entretenir la moindre illusion sur l'avenir des discussions (directes ou indirectes) avec le gouvernement de droite de Netanyahou. Pour les moins sceptiques, les Palestiniens pourraient opter pour la voie d'une proclamation d'indépendance unilatérale aux Nations unies. Une gageure, quand on connaît la prééminence du veto américain au Conseil de sécurité. Alors que les Israéliens écartent de façon ostentatoire tout retrait de la Cisjordanie occupée et de la partie Est de la ville d'El Qods, Mme Clinton dit vouloir amener les parties, chacune en tête-à-tête avec les Etats-Unis, à se concentrer désormais sur les «paramètres centraux» d'un accord de paix : les frontières, le statut de la ville sainte, les réfugiés et le sort définitif des colonies. Autant de points sur lesquels l'Etat hébreu entend bien imposer le fait accompli. Celui de la négation des droits du peuple palestinien. En septembre dernier, du haut de la tribune des Nations unies, Barack Obama était annonciateur : «Quand nous reviendrons ici l'an prochain, il y aura un nouveau membre des Nations unies, l'Etat souverain et indépendant de Palestine, vivant en paix avec Israël.» Trois mois seulement sont passés, l'Etat palestinien est toujours de l'ordre de la pure espérance. Confortant de la sorte les appréhensions des réalistes : «Si les Etats-Unis n'ont même pas pu convaincre les Israéliens de geler les colonies, comment pourront-ils les persuader sur des questions aussi cruciales que les réfugiés ou les frontières ?» Et la naissance d'un Etat ? M. B.