Photo : Riad Par Ghada Hamrouche La situation politique en Haïti est dans l'impasse. Un calme précaire régnait en Haïti en début de semaine après le rejet, par deux des trois candidats en tête de liste de la présidentielle, d'une commission de vérification des procès-verbaux. Celle-ci devait recompter à partir d'hier les résultats publiés par chaque bureau de vote à la suite du premier tour de l'élection tenue le 28 novembre dernier, afin de tirer au clair les allégations de trucage et apaiser les manifestants qui avaient paralysé Port-au-Prince et plusieurs grandes villes haïtiennes la semaine dernière. La commission électorale haïtienne invite les trois principaux candidats à en appeler du résultat controversé du scrutin présidentiel afin de tenter de calmer les tensions qui règnent dans le pays depuis plus d'une semaine, ont indiqué dimanche des responsables internationaux. Le nouveau processus d'appel est en vigueur jusqu'à demain. Jusqu'à cette date, les candidats peuvent contester les résultats de la commission électorale. Le candidat Michel Martelly, que les résultats placent en troisième position, avec 0,64% des voix du premier tour, considère la mise en place de cette commission illégale et insuffisante. Il a indiqué dans un communiqué que seuls l'annulation totale des procès-verbaux et un recomptage des bulletins de vote le satisferaient. Son rejet est appuyé par Mirlande Manigat, candidate arrivée en tête avec 31,37% des voix, pour qui la procédure de vérification proposée par le conseil électoral est trop floue. Les ambassadeurs accrédités en Haïti ont demandé dimanche aux candidats à la présidentielle du 28 novembre de recourir à «tous les moyens légaux» pour résoudre la crise née de la contestation des résultats et se sont prononcés en faveur de leur vérification. L'annonce a été faite tard dimanche par des représentants des Etats-Unis, de la France, du Canada, du Brésil, de l'Allemagne, de l'Espagne, des Nations unies, de l'Union européenne ainsi que de l'Organisation des Etats américains. «La communauté internationale encourage le recours à tous les moyens légaux pour engager une procédure électorale crédible afin de garantir que les résultats définitifs reflètent pleinement la volonté des électeurs haïtiens», affirment les ambassadeurs dans un communiqué conjoint. Le communiqué est publié à la veille d'une réunion portant sur la formation d'une commission spéciale de vérification des résultats, proposée par le conseil électoral provisoire (CEP), et les ambassadeurs «invitent tous les acteurs concernés à prendre part au processus menant à l'établissement de la commission». La communauté internationale «exhorte tous les candidats» à «demander à leurs partisans de s'abstenir de recourir à la violence», indique également le communiqué. L'annonce de la publication, hier, des résultats du premier tour selon lesquels Mirlande Manigat arrivait en tête, suivie du candidat du pouvoir, Jude Célestin, avait provoqué la colère des partisans du chanteur populaire Michel Martelly, également en lice mais évincé du deuxième tour, qui avait dénoncé une «fraude». De violentes manifestations avaient fait plusieurs morts. Le CEP avait annoncé jeudi qu'il allait «enclencher une procédure d'urgence et exceptionnelle de vérification» des résultats des trois candidats en tête, procédure refusée vendredi aussi bien par Martelly que par Manigat et par plusieurs ONG. Les candidats qui dénoncent les résultats de la présidentielle sont contre un recomptage. Dans leur communiqué, les ambassadeurs demandent également aux dirigeants de créer un environnement sûr qui permette l'acheminement de l'aide humanitaire aux milliers de personnes dans le besoin dans un pays exsangue après le séisme du 12 janvier, qui a fait 250 000 morts, et l'épidémie de choléra qui a tué 2 193 personnes depuis la mi-octobre. Les résultats définitifs du premier tour de la présidentielle doivent être annoncés le 20 décembre et le deuxième tour doit être organisé le 16 janvier. Pour éviter la crise politique, trois alternatives restent proposées par la conférence épiscopale d'Haïti : mettre en place un gouvernement technocratique jusqu'à l'organisation d'un nouveau scrutin, transformer le second tour prévu le 16 janvier en élection à tour unique où seraient invités tous les candidats ou inviter le troisième de liste, Michel Martelly, à participer au second tour. La loi électorale prévoit d'ailleurs un second tour à 3 candidats, si le pourcentage de voix séparant le second du troisième est négligeable. Bien que cette solution soit déjà populaire dans les rues de Port-au-Prince, elle exclurait les 16 autres candidats. Des observateurs haïtiens sous la bannière de la société civile s'accordaient dimanche pour appeler les acteurs politiques à la table de négociations pour éviter que des émeutes paralysent à nouveau le pays.