De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Après trois jours d'émeutes, la wilaya d'Oran a renoué avec la paix. Hier, aucun incident n'a été signalé et presque toutes les traces de la violente contestation qui s'était abattue sur la ville ont été effacées par des équipes de nettoiement qui avaient investi la rue dès vendredi soir. Qu'il s'agisse des quartiers populaires qui, comme El Hamri, Petit Lac, Victor-Hugo ou encore Delmonte, avaient animé l'essentiel des émeutes, ou du centre-ville, où quelques échauffourées avaient été enregistrées vendredi après la prière, l'atmosphère est désormais au calme et la sérénité même si les sens demeurent en éveil, personne n'étant sûr que les troubles ont définitivement cessé. D'ailleurs, aux environs de 16 heures, un vent de panique a soufflé sur le centre-ville où, croyant au retour des émeutes, les passants ont commencé à courir dans tous les sens et à crier que des émeutiers descendaient du quartier de M'dina J'dida. Il n'en fut rien et l'origine de la rumeur demeure encore inconnue... Renseignement pris, il s'est avéré que des voyous ont créé la panique pour permettre à des voleurs, armés de sabres et de couteaux, d'attaquer les bijoutiers de M'dina Jdida. Heureusement que ceux-ci avaient eu le temps de baisser rideau.Alors que les commerces ont rouvert et les moyens de transport collectif ont repris, la ville demeure strictement quadrillée par les services de sécurité, les fourgons des forces antiémeute étant stationnés dans la majorité des ronds-points et à l'orée des quartiers chauds : «Le feu peut se rallumer à n'importe quel moment et dans n'importe quel quartier, estime-t-on parmi les citoyens. Tant que les raisons de la colère demeurent, il faut s'attendre à tout et il est tout à fait normal que les jeunes expriment leur révolte même si la violence n'est pas le meilleur moyen de se faire entendre.»De nombreux Oranais disent ne pas comprendre que l'on s'attaque à des institutions de l'Etat (comme la Cnep-Banque située dans le quartier de Petit Lac), à des propriétés privées ou des bureaux administratifs pour exprimer son malaise et revendiquer de meilleures conditions de vie : «Il existe d'autres moyens pacifiques et plus civilisés pour se faire entendre.» Ce que rejettent catégoriquement les manifestants en attribuant le recours à la violence à l'inexistence de canaux de communication avec la classe dirigeante et à l'absence d'une classe politique crédible et capable de prendre en charge les revendications : «Par ailleurs, ajoutent-ils, la rue est le seul recours qui nous reste pour exprimer notre ras-le-bol de toutes les injustices que nous vivons au quotidien.» Il est vrai que lorsqu'on est trentenaire et chômeur, que l'on vive toujours sous le toit paternel avec sa femme et ses enfants et que, dans ce contexte pas très gai, on est quotidiennement témoin des affaires de corruption et de détournement de milliards de dinars, il y a de quoi avoir la rage. Et quand, soudain, les prix des produits de base s'envolent, ce n'est pas étonnant que cette rage se déverse avec violence... En tout état de cause, au chapitre des bilans, rien n'a encore filtré sur les dégâts matériels occasionnés par les trois jours d'émeutes, mais on sait, de source crédible, qu'une centaine de manifestants a été interpellée et que près de 30 policiers ont été blessés lors des échauffourées.