C'est un calme précaire qui s'est installé sur la ville d'Oran ce week-end, et ce, après trois jours d'émeutes, de saccages et d'affrontements violents entre des centaines d'émeutiers et les forces de l'ordre. En effet, jeudi et vendredi matin, alors que de nombreux commerces avaient choisi de rester fermés, que ce soit au centre-ville ou dans de très nombreux quartiers, les Oranais sont sortis toujours angoissés, craignant à tout moment un redémarrage des affrontements. La panique générale qui s'était emparée d'eux, face au déferlement de violence aveugle et destructrice, est encore présente dans les esprits, créant ce climat d'insécurité dans toute la ville. Les Oranais qui ne sont pas près d'oublier ce qu'ils ont vécu, restent quasi en alerte, à l'écoute du moindre mouvement et de la moindre rumeur, prêts à nouveau à fuir et à se retrancher dans leurs maisons, hier. Avides aussi d'informations, ils ont acheté en masse les titres de la presse qui faisaient leur une sur les comptes rendus des émeutes du mercredi. La rue de la Bastille, au cœur de la ville, a également repris son visage coutumier avec les marchands de fruits et légumes ayant installé leurs étalages, permettant aux ménages oranais de se ravitailler. C'était là un des signes d'une reprise de l'activité normale. Partout, les discussions vont bon train pour tenter de trouver une explication aux évènements de ces derniers jours, comme pour exorciser également leur peur. Bien que les services de nettoiement de l'APC aient tout fait pour effacer les traces des saccages en règle et des barricades, les Oranais ne peuvent que constater les dégâts. On parle ici de plus de 10 milliards de pertes si ce n'est plus. Les propriétaires des dizaines de commerces et d'établissements privés qui ont été saccagés et pillés un peu partout en ville, à Choupot, Saint-Eugène, Es-Sedikia, y compris à Bir El-Djir, sans compter les véhicules incendiés, vont se retourner vers leurs assurances. Du côté des édifices publics, là aussi les dégâts sont énormes, des salles de spectacle, des agences bancaires, de la Cnep, d'Algérie Poste et d'Algérie Télécom, ou des annexes des APC et des impôts n'ont pas été épargnés par les casseurs qui ont tout vandalisé. Dans différents endroits, ce sont des citoyens eux-mêmes qui ont dû s'organiser pour protéger leurs biens, et éviter que les équipements publics de leurs quartiers ne soient attaqués. Constatant l'absence des forces de police, en effet, les citoyens n'ont pas hésité parfois à s'opposer aux émeutiers. Ainsi, ce sont des jeunes qui ont protégé le CHUO contre des attaques en règle de l'hôpital par d'autres jeunes voyous prêts à tout, nous rapporte-t-on. Le bilan de ces trois jours d'émeutes n'a pas encore été établi et cela sans compter les centaines de blessés plus ou moins graves qui ont été recensés, que d'ores et déjà de nombreuses voix s'élèvent pour demander des explications sur la gestion de la crise qui est remise en cause. La cellule de crise justement qui a été mise en place aussi tardivement se doit de gérer maintenant la situation pour les jours à venir, c'est-à-dire le procès des quelque 120 émeutiers arrêtés jusqu'ici. Les 3 jours d'affrontements qui marqueront encore pour longtemps les Oranais resteront aussi et surtout accolés à l'histoire du Mouloudia. F. BOUMEDIENE