Alors que le calme est revenu dans la majorité des quartiers de la ville, une poche d'émeutiers du quartier Yaghmoracen (ex-Saint Pierre) a tenu en haleine la population et les services d'ordre. Hier matin, la vie reprenait son cours normal avec les bus en circulation, les magasins qui ouvraient et le service de nettoiement qui commençait à enlever les débris de verre et les pierres. Mais vers 10h30, les émeutes ont repris dans cette partie de la ville délimitée par la rue d'Arzew, une des artères principales. Aux premiers incidents, l'information, enflée par la rumeur, a fait le tour des quartiers avoisinants et rebelote. Les commerces ont baissé rideau, le transport était presque paralysé et la ville s'est vidée. Dans ce quartier réputé difficile, des échanges de tirs lacrymogènes et de jets de pierres n'ont pas cessé pendant une bonne partie de la journée. Les assaillants se rassemblent dans la rue parallèle Cheriet Ali Cherif (ex-Cavaignac) et tentent des incursions par les ruelles adjacentes. Les renforts sont arrivés vers 14h et ce n'est qu'à partir de là que les émeutiers de Saint Pierre ont pu être dispersés. Un calme relatif est revenu. Un dispositif de sécurité a été dressé tout au long de cette grande artère qui traverse le centre-ville d'est en ouest. Déjà dans la matinée, les arrêts de bus saccagés, les enseignes et les lampadaires qui pendent, certaines vitrines défoncées étaient l'image qu'offrait ce lieu d'affrontement. Globalement, pour les deux jours d'émeutes, en même temps que 140 agents de l'ordre blessés, le chiffre de 157 arrestations d'émeutiers en majorité des mineurs a été avancé dans la journée, mais il a dû être revu à la hausse, car plusieurs arrestations ont été effectuées entre temps dans cette partie de la ville, y compris dans l'après-midi. Aucune estimation des dégâts n'a été en revanche communiquée. Devant le siège de la sûreté de wilaya, des mères de famille se sont rassemblées hier au deuxième jour consécutif pour demander des nouvelles de leurs enfants (en général des mineurs) arrêtés depuis le début des événements. On estime à une centaine de personnes rassemblées ici dans l'espoir d'avoir des nouvelles de leurs enfants qui ne sont pas rentrés. Les émeutes ayant coïncidé avec le jour de l'examen de fin de cycle primaire, ce sont officiellement 468 élèves qui n'ont pas pu passer leur examen, les centres d'examen étant, en plus, situés loin de leur lieu de résidence, parfois dans des quartiers chauds comme El Hamri. Les élèves d'un centre situé à la rue Chakib Arslane, pas loin des Halles centrales où on a enregistré des incidents, n'ont été libérés que tard dans la journée de mardi. Ailleurs, la CNEP Banque du quartier Es Seddikia où ont également eu lieu des échauffourées avec la police a subi des dégâts importants. Une troisième voiture a été également entièrement calcinée dans la mêlée. A propos de voitures, les stations-service de la ville étant restées hors service à cause des risques encourus dans ce genre de situation, les automobilistes ont dû se rabattre sur les stations des localités voisines comme Es Senia où on n'a signalé aucun incident. Pourtant, alors que les actes de vandalisme se sont généralisés mardi à plusieurs quartiers, les incidents ont touché plusieurs quartiers périphériques épargnés jusque-là, comme Sidi El Bachir, à la sortie est de la ville d'Oran. Sans doute par mimétisme, les images renvoyées par les émeutes d'autres horizons, certains jeunes, dans le feu de l'action (jets de pierres), se cachent le visage pour ne pas être reconnus. C'est cette image qui a sans doute été apparentée à la bande des encagoulés qui a, à plusieurs reprises, sévi à Oran. Des bandes de jeunes, livrées à elles-mêmes, ont sillonné en début de soirée de mardi plusieurs quartiers dans des cités lointaines implantées vers l'est. Dans certains endroits, selon des témoignages, ce sont les résidents eux-mêmes qui ont dû se rassembler pour dissuader les intrus de pénétrer dans les parkings en plein air. Un témoin affirme que même à Arzew, mardi vers 21h, des bandes de jeunes des cités ont voulu atteindre le centre-ville. Selon les mêmes témoignages, un quadrillage sécuritaire a été mis en place et aucun incident n'a été signalé. La désagrégation de la vie politique explique en partie le côté absurde de ces émeutes d'Oran qui ne sont liées à aucun slogan ou revendication. Les représentants des partis politiques sont restés aussi perplexes que le reste des citoyens qui, dans plusieurs endroits, passés les moments de panique, regardent de loin, les bras croisés, les affrontements comme un spectacle de rue.