«On a faim !» Cette expression avait fait la une de nombreux journaux écrits ou télévisés mondiaux depuis la fin de l'année 2007. Elle a même montré à quel degré la crise alimentaire de fin 2007 et 2008 a affecté beaucoup de pays. Et les récentes flambées des matières agricoles de base, qui ont affecté l'ensemble de la population mondiale, rappellent tristement et dangereusement la crise qui a frappé le monde entier, il y a près de trois ans de cela. Beaucoup de pays ont été profondément touchés. La Banque mondiale a estimé que 33 pays ont connu des troubles politiques et des désordres sociaux en raison de la forte hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques. La FAO, organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, a évalué leur nombre à 37, Africains pour la plupart. On peut citer ceux d'Asie et évidemment ceux du continent africain (le Burkina Faso, le Cameroun, le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d'Ivoire, l'Egypte et le Maroc). Si le niveau de l'impact de cette crise alimentaire varie selon les indicateurs macroéconomiques de chaque pays, il n'en demeure pas moins qu'on a enregistré un dominateur commun : des émeutes et des protestations dans plusieurs capitales et villes. Les spécialistes en la matière ont soutenu que si la crise a éclaté en 2008, ses racines et ses signes annonciateurs sont antérieurs. C'est de l'avis de Josette Sheeran, directrice du programme alimentaire mondial qui estime que ces signes étaient visibles dès 2005 ou 2006 : «Je pense que tout a commencé il y a trois ou quatre ans, lorsque la consommation de certains produits agricoles de base a dépassé la production à l'échelle mondiale. La sécheresse dans des pays comme l'Australie n'a rien arrangé [la production de céréales a été divisée par deux]. Les stocks alimentaires ont commencé à baisser, et pas simplement dans les pays riches. Ça a été la même chose en Ethiopie par exemple. Est venue s'ajouter la hausse des cours du pétrole. A 80 dollars le baril - le brut -il devenait intéressant, d'un point de vue économique, de fabriquer des carburants», disait-elle en 2008. Pour ce qui est des causes, les experts et organisations onusiennes ont estimé que cette explosion des prix est la conséquence directe de la libéralisation des marchés imposée par les institutions financières internationales depuis les années 1980. La suppression des barrières douanières est responsable de l'augmentation de la fluctuation des cours mondiaux des matières premières agricoles. Pour la FAO, «les politiques agricoles des pays en développement ont été libéralisées et leurs structures d'appui au monde rural (vulgarisation, fourniture d'intrants, stockage et commercialisation, crédit, stabilisation des prix) ont été progressivement éliminées et ont laissé leurs petits agriculteurs sans défense face aux forces du marché international». Face à la multiplication des «émeutes de la faim», la crise alimentaire est devenue, depuis pratiquement 2008, une priorité pour les grandes organisations internationales, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale en premier lieu.