L'interruption par la Russie de ses exportations de céréales en raison de la canicule a créé une situation "sérieuse" sur le marché du blé selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Au terme d'une semaine de hausse record, la tonne de blé se négocie à 210 euros sur les marchés agricoles. C'est 50% de plus qu'il y a deux mois. Conséquence : les prix de la viande devraient augmenter de 6 à 10% dans les six prochains mois. Michel Portier, gérant de la société Agritel spécialiste des matières premières agricoles, rappelle qu'en plus de l'embargo russe, la France a été touchée par la sécheresse. "Avec des pâturages peu abondants, les éleveurs vont devoir acheter pas mal de nourriture auprès des fabricants d'aliments de bétail". La volaille, moins longue à élever, devrait être la première viande à voir ses prix progresser. La viande bovine devrait être touchée dans six mois. Troisième exportateur mondial de blé, la Russie a annoncé jeudi la suspension temporaire, à partir du 15 août, de ses exportations de céréales et de produits agricoles dérivés en raison des mauvaises récoltes provoquées par la sécheresse, ce qui a entraîné une hausse des cours du blé à des niveaux inédits depuis 2008. "Le marché mondial du blé reste nettement plus équilibré que lors de la crise en 2007/08, et les craintes d'une nouvelle crise alimentaire mondiale ne sont pas justifiées à ce stade", selon la FAO. La hausse des prix mondiaux alimentaires avait abouti à des émeutes de la faim dan 35 pays dont Haïti et la Mauritanie. En un mois, le prix de la céréale a bondi de plus de 70 %. Les risques de pénurie sont pour l'instant exclus. Malgré des prises de bénéfices en fin de semaine, le blé reste toujours à des niveaux très élevés. Sur Euronext, il clôturait la séance vendredi à 223,5 euros la tonne, presque deux fois plus qu'il y a un an. Certes la troisième céréale la plus cultivée au monde n'a pas encore franchi le record des 240 euros la tonne de 2007 - il s'en est fallu de peu jeudi -, mais sa hausse est beaucoup plus brutale et surprenante cette année. Pour mémoire, le blé ne valait que 130 euros la tonne début juillet, soit une hausse de plus de 70% en un mois. Une tendance que l'on observe aussi sur la première place mondiale à Chicago. De nombreux agriculteurs s'étaient fixé comme objectif de prix acceptable pour cette récolte un prix de 130 euros la tonne (transport compris), n'hésitant pas à passer des contrats à terme dès mars quand le blé était à son plus bas de l'année 2010, à près de 110 euros. Alors pourquoi une telle hausse ? La principale raison est d'ordre climatique. La terrible sécheresse qui sévit en Russie, troisième exportateur mondial de blé derrière l'Union européenne et les États-Unis, a nettement amputé les récoltes. Le pays a dû revoir une nouvelle fois à la baisse ses prévisions de récoltes à 70-75 millions de tonnes, contre 97 millions l'an dernier. Sur fond d'incendies ravageurs, la situation est tellement préoccupante que le premier ministre Vladimir Poutine a déclaré, jeudi dernier, un embargo sur les exportations de blé jusqu'en décembre alimentant la spéculation actuelle. Après cette annonce, les cours du blé ont atteint leur plus haut de l'année jeudi, à 237,5 euros la tonne, avant de perdre 6% le lendemain. En France, premier producteur européen, la sécheresse a aussi affecté les rendements, mais dans une moindre mesure qu'en Russie. Selon les dernières estimations du ministère de l'Agriculture, la récolte française de blé devrait baisser de 3% à 35,2 millions de tonnes. Outre-Atlantique, au Canada, quatrième exportateur de blé, des inondations ont perturbé les récoltes. Conséquence de ces conditions météorologiques défavorables, la FAO a révisé à la baisse ses prévisions de production mondiale de blé pour 2010, à 651 millions de tonnes (676 millions de tonnes étaient prévues en juin). "Si la flambée des prix du blé se poursuivait, elle pourrait causer des problèmes de sécurité alimentaire dans les pays pauvres", avertit la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.