Face à la virulence de la contestation populaire, le président tunisien décide de limoger le ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, et la libération des contestataires arrêtés dans les émeutes sociales. Pour désamorcer une crise qui menace de dégénérer, le pouvoir en Tunisie annonce la formation d'une commission d'enquête sur la corruption que dénoncent opposition et ONG. Mais avec un bilan sanglant de 50 personnes tuées ce week-end, selon les syndicats au cours de manifestations sans précédent, la situation ne semble pas aller vers l'apaisement. Parties du centre de la Tunisie, les émeutes déclenchées à la mi-décembre, par un incident qui a mis le feu aux poudres, ont gagné la capitale Tunis. Le président Zine El Abidine Ben Ali était intervenu lundi dernier à la télévision dans une tentative de désamorcer la crise. Sans résultat. Les manifestations s'étaient poursuivies et les mesures annoncées, comme les promesses de création d'emplois, avaient été jugées insuffisantes, voire ridicules. Alors que la contestation populaire de plus de vingt ans de régime autoritaire se durcit, l'armée est déployée dans Tunis et sa banlieue. Des soldats armés et des blindés ont fait leur apparition dans la ville pour la première fois depuis le déclenchement des troubles. Cette évolution notable est intervenue, alors que l'opposition a fait état du limogeage du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar. Ce dernier aurait refusé de donner l'ordre de réprimer les contestataires. La capitale tunisienne était jusque-là épargnée par les émeutes, l'épicentre du mouvement se situant jusqu'à présent à l'intérieur du pays. Sur le plan international, les événements en Tunisie continuent à susciter l'inquiétude. Washington, après avoir convoqué l'ambassadeur de Tunisie, s'est déclaré préoccupé par «la réaction du gouvernement qui a provoqué la mort de certains jeunes protestataires». L'UE condamne le recours «disproportionné» à la force par la police. Le mouvement deprotestation populaire a débuté le 17 décembre après l'immolation par le feu d'un jeune de la localité de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest, à 265 km de Tunis. Ce dernier protestait contre la saisie de sa marchandise par la police. Le président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987 et âgé de 74 ans, a promis la création de 300 000 emplois en deux ans, qualifiant les violences d'«actes terroristes impardonnables perpétrés par des voyous encagoulés» et convoquant l'inévitable argument de «main de l'étranger». Les interventions du président tunisien et les différentes mesures n'ont toujours pas eu d'effet sur la colère populaire. Selon dix ONG, dont la Ligue de défense des droits de l'Homme, les véritables causes de la crise en Tunisie sont «la corruption, le népotisme et l'absence de libertés politiques». M. B.