Après un mois de manifestations et d'émeutes et plus d'une soixantaine de morts, la situation reste toujours confuse en Tunisie. Les trois sorties médiatiques du président Ben Ali ne semblent pas avoir atteint l'effet escompté. Le chef de l'Etat s'est engagé, jeudi dernier, à quitter le pouvoir d'ici à 2014 mais les manifestations se sont poursuivies au lendemain de ses déclarations et la foule continue de scander des slogans hostiles au président : «Non à Ben Ali». Tout a commencé le 17 décembre dernier lorsqu'un jeune marchand de rue de Sidi Bouzid (centre-ouest), à 265 km de Tunis, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police, s'est immolé par le feu. Mohamed Bouazizi, âgé de 26 ans, diplômé de l'université et seul soutien de sa famille, a voulu récupérer sa marchandise saisie, mais il a été «agressé» par un agent de la municipalité, selon un témoin. Désespéré et empêché de déposer une plainte à la préfecture, il s'est immolé par le feu et est décédé le 4 janvier dernier. Une foule de 5 000 personnes a assisté à son inhumation. Deux jours après ce suicide, de violents affrontements ont eu lieu, à Sidi Bouzid et dans la localité proche de Meknessi, entre forces de l'ordre et jeunes manifestants pour le droit au travail. Il s'en est suivi alors plusieurs dizaines d'arrestations. Les autorités tunisiennes avaient affirmé que ces heurts ne constituaient qu'un «incident isolé» et avait dénoncé leur exploitation à des fins politiques «malsaines». Mais cet incident «isolé» va vite faire boule de neige en Tunisie. Le 24 du mois dernier, les troubles se sont étendus à Menzel Bouzayane (60 km de Sidi Bouzid) où la police a tiré sur des manifestants, faisant deux morts et plusieurs blessés. Quatre jours après, de nouvelles émeutes contre le chômage et la cherté de la vie ont éclaté dans plusieurs villes, dont Tunis, la capitale. Le président Zine El Abidine Ben Ali décide de faire sa première apparition pour dénoncer une «instrumentalisation politique». Le gouverneur de Sidi Bouzid est alors limogé et un remaniement ministériel est effectué au niveau de quatre secteurs, à savoir la communication, le commerce, la jeunesse et les sports et les affaires religieuses. Mais c'est loin de calmer les esprits. Les grèves, les sit-in et les violences vont aller crescendo en Tunisie : grève des journalistes, des avocats, des lycéens… Le président Ben Ali intervient une seconde fois à l'occasion de la nouvelle année et affirme que sa priorité en 2011 va être «le soutien des catégories vulnérables». L'intervention du Président n'aura toujours pas d'effet et des manifestations sanglantes vont se produire le 3 janvier dans la région du centre-ouest du pays, à Thala. Ces dernières vont être marquées par des saccages et l'incendie de plusieurs bâtiments officiels. Le 5 janvier et après l'enterrement du jeune Mohamed Bouazizi, les affrontement reprennent à Sidi Bouzid. Ils vont s'étendre à Kasserine et à Thala où l'armée se verra dans l'obligation de se déployer autour des bâtiments officiels ainsi qu'à Regueb (près de Sidi Bouzid). Les émeutes font 21 morts, selon les autorités, plus de 50, selon une source syndicale. A Kasserine et Kairouan, c'est le chaos. Le président Ben Ali tente encore une fois de s'adresser à son peuple en grogne. Il dénonce des «actes terroristes» et promet la création de 300 000 emplois supplémentaires d'ici à 2012. Des affrontements vont suivre cette intervention et la liste des victimes va s'allonger à Ettadhamen, Intilaka et Kasserine. Le gouvernement décide de fermer les écoles et les universités. Et alors que la Tunisie est à feu et à sang, un cinquième suicide est enregistré. Celui d'un jeune diplômé sans emploi, près de Sidi Bouzid. La tension est à son paroxysme. Le Premier ministre annonce le limogeage du ministre de l'Intérieur, la libération des personnes arrêtées, à l'exception de celles qui «sont impliquées dans des actes de vandalisme» et la formation d'une commission d'enquête sur la corruption. L'armée se déploie à Ettadhamen et dans Tunis. De nouveaux civils sont tués suite à des tirs de la police à Douz, cinq autres sont blessés dans des affrontements à Sfax. Un couvre-feu nocturne est décrété à Tunis et sa banlieue. Et pendant le discours d'apaisement de Ben Ali dans lequel il s'engageait à partir en 2014, deux personnes sont tuées par des tirs de la police dans la ville de Kairouan. «Je vous ai compris», a martelé à plusieurs reprises le chef de l'Etat tunisien. Est-ce vraiment le cas ? H. Y. Un citoyen algérien tué dans les émeutes de Tunisie Un citoyen algérien dénommé Mergheni Tahar a été tué jeudi soir à Tunis dans les mouvements de protestation populaire qui secouent la Tunisie depuis plusieurs jours, a-t-on appris hier de source diplomatique algérienne à Tunis. Selon la même source, une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances du décès de la victime âgée de 42 ans. L'ambassadeur d'Algérie à Tunis, M. Mohamed Ben Hocine, s'est déplacé au domicile de la victime situé au quartier El Karam (dans l'ouest de la capitale tunisienne) pour présenter les condoléances à la famille du défunt et les services consulaires algériennes ont pris en charge les procédures de l'enterrement. APS