Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati A partir de la prochaine année scolaire, le livre de lecture retrouvera officiellement sa place à l'école algérienne qui n'a pas trouvé mieux que d'abandonner la lecture alors que celle-ci est un socle majeur pour l'épanouissement intellectuel et culturel de l'apprenant. La décision de réintroduire le livre à l'école a été prise conjointement par les ministères de l'Education nationale et de la Culture avec la signature d'un accord stipulant l'obligation faite aux écoliers de lire au moins quatre ouvrages durant l'année scolaire. Cette décision de promotion et de développement du livre et de la lecture prévoit également d'autres actions entrant dans le même objectif comme la création de quelques centaines de bibliothèques, l'institution du prix du meilleur lecteur parmi les élèves ainsi que la création de clubs de lecture et de dictée au sein des établissements scolaires.En somme, une série de mesures appelées à corriger une lacune monumentale qui a longtemps sévi dans le système éducatif. Des mesures accueillies avec une satisfaction relative par les enseignants et les parents d'élèves interrogés dans la wilaya de Tizi Ouzou, estimant qu'elles seraient inutiles si des décisions ne sont pas prises en amont, notamment dans le sens de l'allègement de l'emploi du temps des élèves et de la perception par l'élève du livre et de la lecture. «L'écolier est un enfant. Il ne doit pas percevoir la lecture comme une punition ou une séance ennuyeuse», explique Kamel, enseignant de langue française dans un établissement scolaire de Tizi Ouzou qui dit apprécier cette décision interministérielle dans le sens où elle «sera mise en œuvre avec tact et sur la seule base pédagogique». Parce que, pour notre interlocuteur, la lecture est «un facteur trop important pour l'épanouissement culturel de l'enfant pour qu'on bricole sa mise en œuvre», n'omettant pas de soulever l'épineuse question de la surcharge du programme. «Il est temps qu'au ministère de l'Education nationale, on pense exclusivement pédagogie, quand il est question de l'école et de l'éducation», dit encore Kamel qui se dit outré par la décision de fermer les établissements scolaires le vendredi depuis le changement du week-end. Pour lui «les énormes souffrances des écoliers viennent justement de cette surcharge du programme induite par la décision de contenir le programme dans cinq jours de la semaine pour des raisons extra-pédagogiques et honteusement idéologiques», insistant sur la nécessité de rouvrir les écoles vendredi matin pour alléger un tant soit peu les programmes des élèves. C'est pratiquement la même réaction enregistrée auprès d'une enseignante d'anglais, exerçant dans la région d'Azazga, qui n'a pas manqué de saluer cette initiative des ministères de l'Education et de la Culture, mais tout en émettant des réserves quant à sa mise en œuvre sur le terrain. Notre interlocutrice, qui a requis l'anonymat, évoquera, comme son collègue de Tizi Ouzou, la question de la surcharge des programmes, en proposant soit la réduction du week-end à une journée et demie, soit «la suppression de quelques matières, particulièrement aux écoliers de niveau primaire dont les cerveaux sont bourrés de leçons que personne ne pourra retenir». «Je vous parle en tant qu'enseignante mais aussi en tant que parent d'élève», précise-t-elle avant de souhaiter que la lecture au sein des établissements scolaires puisse être une continuité de ce que font les parents à la maison «parce que les parents ont également un rôle à jouer dans la mission d'inculquer à leurs enfants l'amour du livre et de la lecture». Tout en saluant l'idée d'instituer un prix du meilleur lecteur qu'elle considère comme «un véritable stimulant pour l'enfant apprenant», notre interlocutrice ne manquera pas de mettre en garde les responsables du secteur de l'Education contre ce qu'elle appelle «la mauvaise application de cette mesure» qui risque de se retourner «contre le livre et la lecture et contre les élèves qui perdront l'amour du livre avant de l'avoir eu». Elle avertira que si cette expérience échoue pour une raison ou une autre, les enfants fuiront le livre et la lecture. Les quelques parents d'élèves interrogés à Tizi Ouzou disent partager ce point de vue, déclarant à l'unanimité leur satisfaction de cette mesure en faveur de la lecture, non sans émettre des réserves quant à sa mise en œuvre, d'autant plus que certains d'entre eux évoqueront la capacité des enseignants à faire aimer la lecture aux enfants. «Est-il nécessaire de préparer l'enseignant en vue de la mise en œuvre d'une telle mesure ? A-t-il besoin d'une formation qui donnerait la capacité de faire aimer le livre et la lecture aux élèves ?» s'interrogent-ils avant d'ajouter que les pouvoirs publics devraient réunir toutes les conditions dans le but de réussir cette action.