La hausse des cours des matières premières alimentaires dans le monde continue à faire débat et à susciter les réactions des institutions et des banques internationales. Certes, la situation est différente de celle vécue en 2008, mais le risque de cette hausse sur la croissance des économies à travers le monde persiste, notamment dans les pays en développement. Les incertitudes sur la capacité des producteurs à satisfaire la demande mondiale en denrées alimentaires se multiplient. Pour la Banque mondiale, trois grands facteurs de risque se présentent à court terme pour les pays en développement. En plus des tensions sur les marchés financiers, la volatilité des flux de capitaux, il y a le risque de la hausse continue des prix alimentaires Dans l'édition 2011 de ses Perspectives pour l'économie mondiale, la BM relève en effet que la volatilité des prix des produits de base, à commencer par les prix alimentaires, pourrait constituer le troisième facteur de risque pour les pays en développement et leurs perspectives de croissance. Une escalade des prix énergétiques pourrait également amener les prix réels des produits alimentaires à augmenter nettement dans ces pays, ce qui risquerait d'amputer sérieusement les maigres budgets des familles pauvres. Bien que les prix alimentaires mondiaux aient augmenté ces derniers temps, les auteurs des Perspectives 2011 font valoir que cette hausse est bien moindre en termes réels qu'elle ne l'est en valeur nominale. Car, justifient-ils, en ce moment, les prix réels sont encore quelque peu inférieurs à leur plafond de 2008. La situation actuelle n'est donc pas aussi sérieuse qu'elle l'était lors de la précédente crise énergétique et alimentaire. Cependant, il y a lieu de faire preuve de vigilance et de surveiller de près l'évolution des choses. Et ce, d'autant que l'éventualité d'un problème plus sérieux ne peut être totalement exclue.De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) s'inquiète de la hausse du prix des matières premières alimentaires. Un phénomène qu'elle considère comme un facteur d'inflation. Face à cette situation, la BCE, dans son rapport mensuel publié jeudi dernier, s'interroge sur la capacité de l'industrie agricole à répondre à la demande mondiale. «Le prix des matières premières alimentaires a augmenté de façon significative en 2010», souligne la BCE, qui cite notamment le blé, le maïs ou le soja. Les prix du blé «ont augmenté de 91% entre le début et la fin de l'année 2010», en raison, entre autres, de mauvaises conditions météorologiques et de menaces protectionnistes, note la BCE. Parallèlement, les cours du maïs ont progressé de 57% sur la même période pour cause de baisse de la production et de demande soutenue de la Chine. Les prix du soja et du sucre ont, eux, augmenté respectivement de 33 et 32% sur l'année. De façon générale, la hausse de la demande dans les économies émergentes entraîne les prix à la hausse. Les revenus des ménages augmentent et l'alimentation change dans ces pays, en faveur de la viande, des produits laitiers et du poisson. Aussi, l'utilisation du sucre et du maïs dans la production des biocarburants est mise en cause dans cette flambée à laquelle les stratégies agricoles en vigueur n'arrivent pas à faire face. La BEC estime à ce sujet que la réponse des producteurs est «lente». Et ce, en raison principalement de la stagnation des technologies agricoles depuis 20 ans. «Les prix stables de l'alimentation durant cette période ont mené à une certaine négligence des préoccupations alimentaires et à la réduction des financements de la recherche» dans ce domaine, estime la BCE, qui juge que le niveau actuel des prix devrait, en revanche, pousser ces budgets à la hausse. La BCE, selon laquelle la pression inflationniste devrait rester forte sur le long terme, plaide pour l'intensification des programmes de recherche dans le domaine agricole. S. I.