La pression de la rue à Tunis pour exiger la démission du gouvernement de transition et de ses ministres issus du régime honni de Ben Ali se poursuit. Hier, le troisième et dernier jour du deuil national décrété par le gouvernement de transition à la mémoire des victimes de la révolution a été l'occasion de confirmer une tendance qui refuse de s'essouffler. Un millier de Tunisiens venus du centre du pays d'où est partie la révolution ont battu le pavé, avenue Habib-Bourguiba. L'artère centrale et symbolique de la capitale devenue un véritable forum des libertés politiques entretient le souffle de la révolution tunisienne. Devant le ministère de l'Intérieur, les contestataires ont déployé un vaste portrait de Mohammed Bouazizi. L'avenir du gouvernement temporaire du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, chef de gouvernement de Zine El Abidine Ben Ali pendant onze ans, est toujours en suspens. De Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzid, de Regueb, ils sont venus de l'intérieur du pays et étaient en première ligne lors de la révolte populaire. Les manifestants brandissaient les portraits de martyrs, les victimes de la répression dans laquelle 100 personnes ont trouvé la mort. Même des policiers en civil ou en uniforme ont défilé, réclamant la création d'un syndicat de la police et tentent par leur présence parmi les protestataires de se faire pardonner la féroce répression policière de l'ère Benali. Très contesté, le gouvernement provisoire devrait tabler sur un essoufflement du mouvement dans les jours à venir. Il faut rapidement relancer l'activité normale du pays. La journée d'aujourd'hui servira indéniablement de test pour jauger l'évolution du rapport de force rue-gouvernement. Les écoliers doivent normalement reprendre le chemin des établissements scolaires, fermés maintenant depuis le 10 janvier. Le scepticisme est de mise. Le syndicat des enseignants du primaire a déjà décidé d'une «grève générale illimitée» pour exiger la formation d'un nouveau gouvernement débarrassé des traces de l'époque Ben Ali réfugié en Arabie saoudite. Cette dernière a assuré hier avoir voulu contribuer à arrêter «l'effusion de sang» en Tunisie en acceptant de donner asile au président déchu. Riyad a affirmé que le président tunisien qui s'est réfugié avec des membres de sa famille à Djeddah «ne peut se livrer à aucune activité politique». L'opposant tunisien Moncef Marzouki avait demandé à l'Arabie saoudite de livrer à la justice tunisienne le président déchu pour qu'il soit jugé. Pour l'opposant tunisien, il faut absolument suspendre la Constitution actuelle pour en rédiger une nouvelle totalement démocratique. Le vent de liberté qui souffle en Tunisie apporte quotidiennement son lot de nouvelles. Deux des plus proches collaborateurs du président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali, dont l'ancien ministre de l'Intérieur, ont été placés en résidence surveillée et un troisième est activement recherché. Abdallah Kallel, président du Sénat et ancien ministre de l'Intérieur, et Abdel Aziz Ben Dhia, conseiller de Ben Ali et l'un des architectes de sa politique, ont été arrêtés. Abdelouahab Abdallah, autre homme fort du régime Ben Ali, ministre-conseiller à la Présidence, qui avait la main lourde sur l'information est toujours recherché. M. B.